Mémoire sur Antenne Réunion

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Université Panthéon–Assas – Paris II

Institut Français de Presse

 

Mémoire de Maîtrise

Année universitaire 2004-2005

 

 

ANTENNE REUNION TELEVISION

ou

LE COMBAT DES REUNIONNAIS POUR LE PLURALISME DE LEURS MEDIAS

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Présenté par Emilie DIJOUX

Septembre 2005

Séminaire de Médias dans les pays développés

Sous la direction de M. Tristan Mattelart

 

 

« L’Université Panthéon – Assas n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. »

 

 

Remerciements à :

M. Tristan Mattelart,

MM. Gérard Hoareau et Rémy Tsang Hin Sun de RFO,

M. Mickaël Maillot du CCEE,

M. Guy Jarnac du Conseil régional,

M. François Perraut, pour moi, le meilleur journaliste de l’île,

Ma mère, ma fidèle relectrice,

Mary-Pierre Serveaux

Toute ma famille pour leur patience…

 


Sommaire

 

Introduction.. 7

Partie I. La « préhistoire » de la télévision réunionnaise : Contexte d’émergence d’Antenne Réunion.. 10

I.      Le monopole de la RTF à la Réunion : « La voix de son maître ». 10

A.     Une île qui n’est pas sur la même longueur d’onde que sa métropole. 10

a)     La Réunion, Département français d’outre-mer depuis 1946. 10

b)     1964 : L’arrivée de la télévision dans l’île. 13

B.     La télévision à la Réunion au service des pouvoirs en place. 17

a)     La télévision : reflet de la bipolarisation politique de l’île. 17

b)     Statut et programmation du service public au temps du monopole. 19

II.      A La Réunion, Free DOM libère les ondes…... 24

A.     Free Dom, première radio libre de la Réunion. 24

a)     Les premières brèches médiatiques. 24

b)     Les Réunionnais prennent la parole. 27

B.     Camille Sudre à la conquête de la télévision. 29

a)     Continuité de l’expérience radiophonique. 29

b)     Ondes de choc à RFO.. 32

III. … et fait déferler des vagues de protestations. 36

A.     Premiers affrontements avec les autorités audiovisuelles. 37

a)     Echec des tentatives de régularisation de la télévision pirate. 37

b)     De la « manifestation des casseroles » à la saisie des émetteurs. 40

B.     Les événements du Chaudron. 43

a)     Déchaînement de violences à Saint-Denis. 43

b)     Free DOM ne veut pas mourir 46

 

Partie II. L’aventure Antenne Réunion : De « la télé qui bouge » à « la première télévision privée et gratuite de la France d’outre-mer ».. 49

I.      Le projet Antenne Réunion Télévision / Canal+ : un bon consensus ?. 50

A.     Un projet confié à un réseau de notables. 50

a)     Les grands entrepreneurs réunionnais gagnent la confiance du CSA.. 50

b)     Les balbutiements dans les locaux de la SEMPA.. 52

c)     La confiance des Réunionnais à gagner (public et annonceurs) 54

B.     Le service public face à la concurrence. 57

a)     Impulsion nouvelle à RFO…... 58

b)     … mais tout de même quelques ressentiments. 59

II.      Le passage en canal seul, nouvelles épreuves pour la toute jeune chaîne. 62

A.     1994 : L’année du tournant décisif 62

a)     Les moyens sont-ils à la hauteur des aspirations de la chaîne ?. 62

b)     Les premiers combats contre les privilèges de RFO.. 66

B.     1996 et 1998 : Antenne Réunion face à la crise. 70

a)     1996, le Front des ondes réunionnaises contre les avantages des médias publics  70

b)     1998, le temps des ennuis financiers. 75

III.         2001, les dix ans d’Antenne Réunion : Nouveau départ, nouveaux enjeux ?. 80

A.     Antenne Réunion face à la concurrence. 80

a)     Les bouquets satellitaires, une réelle concurrence ?. 80

b)     La concurrence avec RFO, une concurrence frontale sur l’information. 83

B.     Antenne Réunion à l’heure du numérique. 87

a)     La « techno – fascination » des Réunionnais. 87

b)     Nouvelles perspectives pour la petite chaîne locale ?. 89

 

Conclusion.. 92

Annexes. 94

Annexe I : Cartes. 95

Annexe II : Inauguration de la télé. 96

Annexe III : La télévision au temps du monopole. 97

Annexe IV : Multiplication de l’offre télévisuelle. 98

Annexe V : Les balbutiements dans les locaux de la SEMPA.. 99

Annexe VI : Le site d’Antenne Réunion. 100

Annexe VII :        Les Domiens et les TIC.. 101

Annexe VIII : Antenne Réunion et RFO au coude à coude. 102

Annexe IX : Interview Christophe Ducasse. 103

 

Bibliographie.. 104


Introduction

                                                  

Histoire du mémoire

 

            Si aujourd’hui le paysage audiovisuel de l’île de La Réunion est comparable, dans sa diversité et dans sa pluralité, à celui de la France métropole, cela n’a pas toujours été le cas. Pourtant, contexte insulaire oblige, les Réunionnais ont une soif de connaissance et d’ouverture sur le monde inassouvie. Aussi, la télévision joue bien son rôle de fenêtre ouverte sur un ailleurs, perçu comme inaccessible pour la majorité de la population. Les Réunionnais, grâce à leurs médias, parviennent à oublier leur isolement géographique. L’illusion d’ubiquité créée par la télévision permet notamment d’entretenir un lien fort avec la lointaine métropole[1].

 

Mais quid du lien que la métropole pourrait avoir avec sa région ultramarine ? Associée aux pays d’Afrique ou vue de la même manière que Madagascar, La Réunion est un peu oubliée par les chercheurs en information et communication métropolitains alors que l’histoire, l’économie, bref les spécificités de ses médias constituent un champ d’étude qui, bien que défriché, reste encore à explorer. A se pencher sur les modèles développés à sa périphérie, le système médiatique métropolitain  trouverait un enrichissement certain…

 

C’est pourquoi, à la suite d’un stage comme Journaliste Reporter d’Images à Antenne Réunion, j’ai choisi de faire du contexte d’émergence et de la dynamique de cette entreprise mon sujet de mémoire. Le questionnement de départ a pour origine un constat qui semble être aujourd’hui une évidence pour tout Réunionnais : Antenne Réunion a accompagné la population réunionnaise dans ses évolutions passées et récentes. Mais dans quel contexte l’avènement de la chaîne s’est-il produit ? Comment s’inscrit ce bouleversement du paysage audiovisuel réunionnais dans l’histoire de l’île ? Enfin, quelle est aujourd’hui la place de ce média dans la société réunionnaise ? Au fil de mes lectures, je me suis aperçue qu’il était difficile de dissocier l’histoire d’Antenne Réunion de celle de  la chaîne de télévision publique RFO. L’identité de la chaîne privée s’est construite en fonction de celle de RFO. Aussi, je me suis demandée : que proposait le service public avant l’arrivée d’Antenne Réunion ? Comment se passe la concurrence entre les deux chaînes ? 

 

Mes recherches se sont nourries d’ouvrages généraux sur l’île de la Réunion (son histoire, sa géopolitique et son économie), d’ouvrages spécifiques sur ses médias et l’espace médiatique réunionnais, de quelques mémoires, de plusieurs revues et de textes officiels. Mais la presse locale a constitué un important vivier d’information et les différents entretiens que j’ai pu avoir, notamment avec M. François Perraut (rédacteur en chef adjoints d’Antenne Réunion), m’ont mise sur la voie de réflexions intéressantes.  

                                                              

Les difficultés que j’ai rencontrées ont été, dans un premier temps, surtout dues à l’éloignement : me trouver sur le terrain dès le début de mes recherches aurait sans doute énormément facilité mon travail. En Métropole, on ne trouve que trop peu d’ouvrages sur la Réunion. Cependant, la distance m’aura sûrement apporté le recul nécessaire pour traiter ce sujet. Me sentant depuis longtemps concernée, j’ai suivi de près les événements et les combats qui ont  contribué à dessiner les traits de l’actuel visage médiatique de l’île.

 

Par ailleurs, si le contexte de la création d’Antenne Réunion a fait couler beaucoup d’encre, rares sont ceux qui se sont intéressés au développement de cette entreprise.

                 

Objet du mémoire

 

             Antenne Réunion part de presque rien, si ce n’est la foi d’une poignée d’entrepreneurs. Dans les années 1980, le service public en matière d’audiovisuel y est d’autant plus puissant que l’économie de l’île est très dépendante des fonds de l’Etat. Le chômage y est important, surtout chez les jeunes, et seule une petite frange de la société, nouvelle classe moyenne fortement fonctionnarisée, a pu entrer dans l’ère de la consommation de masse. Durant cette décennie, l’écart social se creuse. De plus, du fait de l’insularité de l’île, le marché publicitaire est considéré comme trop restreint : il n’y aurait pas de place pour une chaîne de télévision privée.

 

Alors, comment expliquer qu’Antenne Réunion, qui a démarré avec des moyens sans commune mesure avec ceux de RFO, est parvenue à se hisser au même niveau que sa concurrente publique ?

 

Antenne Réunion fait partie de l’histoire des Réunionnais. Son apparition dans le paysage audiovisuel réunionnais marque un tournant important : après une longue période de monopole public, la Réunion s’ouvre enfin au pluralisme télévisuel avec l’arrivée de cette chaîne privée. C’est l’aboutissement de presque une décennie de lutte durant laquelle la population réunionnaise, frustrée d’être privée d’images mais aussi en quête de son identité a pris conscience de son isolement géographique et de sa dépendance vis-à-vis de la métropole. Les Réunionnais veulent prendre en main leur destin télévisuel car avant Antenne Réunion, c’est la « préhistoire » de la télé, l’âge de pierre !

 

Les Réunionnais n’ont accès qu’aux deux canaux de RFO jusqu’en 1991 (hormis l’expérience hors la loi d’une Télé Free Dom) alors qu’en France métropolitaine, on compte déjà trois chaînes publiques et trois chaînes privées sur le réseau hertzien. Cet avant - Antenne Réunion fait l’objet de la  première partie de ce mémoire car pendant cette période se construit déjà une partie de l’identité de la chaîne.

Dès ses débuts, Antenne Réunion se positionne sur le créneau de la différence : elle sera la télé qui bouge par opposition à l’immobilisme maintes fois reproché à RFO. Mais la courte histoire de la chaîne est chaotique. Malgré ces quelques petits accidents de parcours, la chaîne s’impose aujourd’hui dans les foyers réunionnais. C’est pourquoi, la deuxième partie de ce mémoire est consacrée à la détermination de ce qui fait la particularité d’Antenne Réunion dans le paysage audiovisuel réunionnais.


Partie I. La « préhistoire » de la télévision réunionnaise : Contexte d’émergence d’Antenne Réunion   

                                                                                                   

Un retour sur un passé pas si lointain que cela (à peu près soixante ans en arrière) permet de mettre en lumière l’état d’esprit et les conditions dans lesquels la télévision débarqua sur l’île de La Réunion. Ce sont à la fois des données politiques et socio-économiques qu’il nous faut prendre en compte. Grâce à un bref regard sur l’évolution du statut de l’île, nous comprendrons mieux les forces en présence et les enjeux à relever pour les acteurs du paysage médiatique réunionnais. Si dans le milieu des années 1940, l’heure est aux revendications d’égalité vis-à-vis de la métropole (pourquoi La Réunion ne serait-elle pas dotée de la télévision comme les autres départements français ?), dans les années 1980, la reconnaissance des spécificités locales prendra le pas sur les anciens combats.

Voyons dans cette première partie comment le service public de télévision s’installe dans une île située à 10 000 kilomètres de Paris.

 

       I.      Le monopole de la RTF à la Réunion : « La voix de son maître »

 

  1. Une île qui n’est pas sur la même longueur d’onde que sa métropole

 

a)     La Réunion, Département français d’outre-mer depuis 1946

 

-          En métropole : le sortir de la guerre

 

            Alors que la France panse les blessures de la Seconde Guerre mondiale, La Réunion et les colonies, elles aussi sollicitées pour soutenir la « mère patrie » (c’est ainsi que l’on fait référence à la France métropolitaine pendant de nombreuses années), ont subi des pertes humaines et se souviennent de leurs revendications de la fin des années 1930. Le statut de colonie paraît désormais en porte à faux avec les aspirations locales. La Réunion notamment attend beaucoup d’un changement de statut. Les élus locaux et la population réunionnaise ont une soif de reconnaissance pour les services rendus et les sacrifices consentis. Parallèlement, des velléités autonomistes animent une partie de la population. 

 

 

-          Etat des lieux au moment de la départementalisation

 

            L’île, bien que fort éloignée du théâtre des atrocités de ce second conflit mondial, a payé un important tribut. Victime d’un blocus britannique à partir du mois d’août 1940, elle a survécu tant bien que mal sur ses réserves. La population, comme en métropole, a connu des restrictions alimentaires. Au sortir de la guerre, le bilan est donc lourd. La colonie est « dévastée [2]» tant sur le plan humain que sur les plans économiques et infrastructurels. Le blocus britannique a provoqué une situation de pénurie alimentaire dans l’île et a fait ses victimes parmi les plus faibles : la mortalité infantile y est particulièrement élevée (145‰).  D’autre part, l’agriculture est dans une situation qualifiée de désespérée tandis que les voies de communication, c’est-à-dire les routes et les ports, sont dans un état pitoyable. C’est dans ce que Jacky Simonin qualifie de  « contexte colonial propre à la société de Plantation[3] » que l’île entame la « phase de la départementalisation ».

                                        

-          La départementalisation 

 

En effet, au cours de l’année 1945, le débat concernant la départementalisation renaît peu à peu dans l’île, soutenu notamment par la gauche locale. Les élus réunionnais et antillais parviennent à faire voter une réforme du statut colonial et La Réunion devient, par la loi du 19 mars 1946, le 87ème département français.

 

Malheureusement, les espoirs placés dans ce changement de statut mettront du temps à se concrétiser. Pendant la première décennie de la départementalisation, La Réunion se considère comme un « département abandonné[4] ». Les retards s’accumulent car la métropole, toute à sa reconstruction, néglige de se lancer sur le chantier réunionnais. Comme le souligne Bernard Idelson : « En fait, l’île se situe dans un contexte juridiquement de département français, mais de fait encore colonial, dans ses différentes structures sociales. [5]»

 

C’est le temps des désillusions et de la déception qui aura pour conséquence une montée de la gauche locale. Cette poussée communiste poussera le Gouvernement de de Gaulle à réagir : Michel Debré, alors Premier Ministre, lance en 1960 une Loi Programme en faveur des DOM. Mais la gauche, rassemblée au sein du Parti Communiste Réunionnais (PCR), causera elle-même sa propre perte. D’une part, ceux-là même qui avaient été les instigateurs de la départementalisation vont en devenir les détracteurs. D’autre part, les membres du PCR reprennent le mot d’ordre « d’autonomie » lancé en 1958 par le PC antillais. Nombreux sont ceux qui, attachés au lien historique qui unit l’île à sa métropole, seront effrayés par ce grand mot. C’est alors un véritable « retournement de tendance[6] » qui se produit.

 

-          1958 – 1963 : les débuts de la véritable départementalisation

 

Les premiers effets de la départementalisation ne se feront sentir qu’à partir de 1958. Alors que la France a déjà bien entamé la période faste des Trente Glorieuses, elle porte enfin son regard sur ses anciennes colonies. La Réunion relève lentement la tête et se met en marche vers le progrès.

 

Jusqu’alors, selon Jacky Simonin, « le paysage médiatique […] est désertique. N’existe qu’une presse écrite d’opinion au statut précaire, à parution souvent épisodique et dont l’audience reste limitée[7] » (ce qui s’explique en grande partie par le fort analphabétisme de la population de l’île). Jean Vincent-Dolor, journaliste pionnier sur lequel nous reviendrons plus tard, perçoit déjà la puissance potentielle d’un média comme la radio : « Parce qu’à ce moment-là, la radio avait une audience beaucoup plus large et puis elle était la seule. Vous voyez «  la radio la di[8] », comme disait les gens. Elle était la seule, c’était le monopole[9] ». Cependant, la radio n’est dans un premier temps captée que par les habitants du chef-lieu et « comme plus tard la télévision, [elle] est d’abord un espace essentiellement dionysien[10] », du fait de la géographie de l’île. Jusqu’à ce que la Radio Diffusion Française s’installe dans l’île en 1948, la radio réunionnaise reste sous-développée. Bien qu’installée depuis 1927, elle ne concernait qu’une infime partie de la population qui pouvait écouter quelques rares programmes musicaux.

 

En 1963, Michel Debré est élu député de La Réunion. Cette année-là est qualifiée d’année charnière dans l’histoire de l’île. Sous l’impulsion du nouveau député, c’est le branle-bas de combat : l’île entre dans l’ère de la modernité. Grâce à une nouvelle politique d’intervention de l’Etat français, des progrès sont réalisés dans de nombreux domaines. Le paysage médiatique connaîtra même une véritable révolution.

 

b)    1964 : L’arrivée de la télévision dans l’île

                                                                           

-          Un nouvel acteur de la société réunionnaise : le cadeau de Noël de « papa Debré »

 

Trente ans après la lointaine métropole, les Réunionnais vont découvrir la magie du tube cathodique. Le retard pris par La Réunion est criant lorsque l'on sait qu’en France métropolitaine, il existe déjà deux chaînes de télévision, que déjà depuis 1963, des journaux télévisés régionaux sont diffusés dans de nombreuses régions, ou encore que dès 1957, la moitié de la population métropolitaine peut recevoir la télévision et surtout qu’en 1965, 43% des foyers sont équipés de postes récepteurs.

 

C’est donc à Noël 1964, que « Papa Debré » fait à la population réunionnaise ce cadeau jusqu’alors estimé inutile par les autorités parisiennes : la télévision. Au programme de la soirée du 24 décembre 1964 : à 19h30, l’allocution de M. Alain Peyrefitte, ministre de l’Information, suivie de quelques nouvelles brèves, d’un conte romantique intitulé « Violons de poche », de l’émission « Age tendre… et tête de bois » et enfin, de la Pastorale de Noël. Pour Jacky Simonin, l’île entame par cet événement une phase de « substitution[11] » durant laquelle le paysage sociétal est transformé de façon à ce que les Réunionnais deviennent « des Français comme les autres », souhait qui est en fait le reflet des idées jacobines et départementalistes du député Michel Debré. Son rôle dans l’arrivée de la télévision dans l’île a été souligné par le ministre de l’Information de l’époque, M. Alain Peyrefitte, lors de l’allocution prononcée pour l’inauguration de la télévision, le 24 décembre 1964.

 

-          Le discours d’inauguration d’Alain Peyrefitte[12]

 

Ce discours, par la suite bien relayé par la presse (car seule une poignée de privilégiés a pu visionner cette inauguration), annonce ce que le nouveau média devra être pour les Réunionnais : à la fois « un miroir reflétant les événements et les problèmes » de l’île et « une fenêtre sur le monde extérieur et notamment sur la métropole ». Si ce discours se veut très élogieux envers les beautés et les spécificités culturelles de l’île, il est avant tout emprunt d’un fort patriotisme et révèle la politique assimilationniste que le gouvernement souhaite désormais mener à la Réunion : « De nos jours, la distance n’est plus un obstacle. Entre la métropole et le département de La Réunion, le bateau, l’avion, le téléphone, la radio avaient établi des liens de plus en plus étroits. Aujourd’hui la télévision ajoute à tous ces liens la magie de l’image. Dans le petit écran, votre île va trouver une raison de plus d’aller de l’avant. Avec la télévision, La Réunion est entrée dans la voie ascendante du progrès. ». L’île, « chérie de tous les Français », aurait même pris de l’avance sur une partie de la France : « A l’heure où certaines régions montagneuses de la métropole ne reçoivent pas encore la télévision, Saint-Denis possède sa propre station. ».

 

Si le ministre souligne encore que « c’est l’ensemble des Français qui fait à La Réunion ce cadeau », pour notre part, nous pouvons nous attarder sur les différentes tractations qui ont été nécessaires pour qu’un tel événement se produise.

 

Nous distinguons trois acteurs majeurs : d’une part, Jean Vincent-Dolor et Michel Debré, et d’autre part, à travers le ministre de l’Information, l’ORTF. Chacun de ces acteurs insiste sur sa participation active et son rôle décisif. Selon Jean Vincent-Dolor, « la télévision, c’est Debré » : le député aurait répondu positivement à sa requête. Depuis l’année précédant l’arrivée de la télévision à La Réunion, Jean Vincent-Dolor avait sollicité les autorités parisiennes à ce sujet.

 

Pour lui, « la télévision n’existait pas lorsque Michel Debré est arrivé à La Réunion. La décision politique en revient entièrement à M. Debré. C’est même lui qui a pris personnellement la décision d’implanter la télévision couleur en 1976, à la grande colère d’ailleurs du président de FR 3, Claude Contamine[13]. »

 

Mais pour sa part, Alain Peyrefitte ne se souvient pas que l’influence de M. Debré ait particulièrement pesé dans la balance. Selon lui, cette décision découle d’une logique d’expansion de l’ORTF dans l’ensemble du territoire français entamée dès 1963 avec la création de Centres d’Actualités Télévisés dans de nombreuses régions. 

 

-          Pourquoi la télévision à La Réunion ?

 

Dans ce contexte, on peut s’interroger sur les raisons de l’installation de la télévision à La Réunion ; installation qui a été fort coûteuse. Pour les communistes notamment, installer la télévision dans une île souffrant d’une pauvreté assimilable à celle des pays sous-développés, était loin d’être une priorité. Ne serait-ce que pour la première tranche des travaux d’installation du média 150  millions de francs CFA ont été dépensés. Par ailleurs, l’achat du poste récepteur était inaccessible à une forte majorité de la population : il coûtait alors entre 100 et 150 000 francs CFA, soit le double du prix métropole, auxquels il fallait ajouter 50 à 70 000 francs CFA de taxes. Mise à part la question du prix du récepteur, une importante partie de la population était exclue d’office car seuls 61% des foyers avaient l’électricité. En 1965, seuls cinq cents Dionysiens possèdent un téléviseur.

 

Nombreux sont ceux qui ont conscience de la puissance de ce nouveau moyen de communication qui arrive dans l’île. On parle alors dans la presse de « phénomène sociologique à l’échelle du monde[14] » et il semble que le destin de la Réunion, « pointe d’épingle sur la carte », selon les mots d’Alain Peyrefitte, s’inscrive désormais dans l’histoire mondiale.

Les commerçants se rendent compte, vue la rapidité de l’expansion du média dans les autres pays, de la nécessité de populariser la télévision. Dans le journal Le Progrès du 07 février 1965, nous pouvons lire que « les vendeurs estiment que près de deux mille postes seront installés dans les trois mois ». Des téléviseurs sont donc installés dans les vitrines des magasins. Tout comme aux débuts de la radio, la consommation de la télévision se fait dans un premier temps de façon collective : dans les centres télévisés qui sont créés dans le chef-lieu de l’île, dans la rue devant les vitrines ou encore chez les heureux propriétaires de postes récepteurs qui ouvrent leur porte ou laissent les gens regarder la télé par la fenêtre.

 

Si les commerçants voient dans l’arrivée de la télévision une belle affaire commerciale, la gauche réunionnaise perçoit un grand danger : « La télévision n’est pas qu’un instrument de connaissances et de culture. Elle est aussi un moyen de propagande. Et le problème et de savoir dans les mains de qui elle est[15]. » Déjà exclus de la scène radiophonique, les partis de l’opposition devinent déjà ce qui se profile pour l’avenir du nouveau média : il ne pourra être qu’un instrument entre les mains du député Michel Debré.

 

 

 

 

 

 

  1. La télévision à la Réunion au service des pouvoirs en place

                                                                                                 

a)    La télévision : reflet de la bipolarisation politique de l’île

 

- Instrumentalisation de l’audiovisuel réunionnais

 

Si, comme nous le verrons dans la partie suivante, la télévision ne se fera pas vraiment le miroir de la culture réunionnaise, elle sera en revanche le fidèle reflet de la bipolarisation politique qui sévit dans l’île.

 

Rappelons le contexte mondial de Guerre froide qui oppose le bloc de l’Est communiste au bloc de l’Ouest réunissant les démocraties américaines et de la vieille Europe. Autre élément de l’actualité mondiale qui ne sera pas sans affecter la vie politique réunionnaise : les vagues de décolonisations que connaissent les grandes puissances, et notamment la France qui signe en 1962 les accords d’Evian, rendant ainsi à l’Algérie son indépendance. Dans la région océan Indien, il est également à noter que plusieurs pays à qui l’indépendance vient tout juste d’être accordée, vont se ranger dans le camp des socialistes, comme les régimes de France-Albert René aux Seychelles, de Didier Ratsirak à Madagascar ou d’Ali Swali aux Comores.

 

A l’image de ce qui se passe alors dans le monde, La Réunion sera le théâtre d’une vive opposition entre le camp de la droite locale, les « départementalistes », représenté par Michel Debré, et le Parti Communiste Réunionnais, les « autonomistes », à la tête duquel se trouve Paul Vergès. Comme le souligne Bernard Idelson : « La Réunion du début des années 1960 est une île bipolaire où le débat se limite à l’opposition entre départementalistes et autonomistes[16]. » Yvan Combeau rappelle que « l’expression politique départementale ne sous-tend pas à une marge de manœuvre vis-à-vis de l’Etat, mais au contraire à l’affirmation d’un lien solide en termes d’aides et de rattrapages de retards accumulés sur plusieurs années[17]» tandis que toute ambition décentralisatrice est dénoncée comme l’ouverture d’une voie vers l’autonomie.

 

La droite fera de l’audiovisuel, et notamment de la télévision, un instrument par lequel elle tentera « de rapprocher, politiquement et culturellement, l’île de la métropole[18] » : il s’agit tout simplement d’éliminer la gauche du paysage politique. Dans le climat que nous venons de décrire, de décolonisation et d’installation de régimes socialistes dans la région océan Indien, l’autonomie sera brandie tel un épouvantail pour éloigner la population des idées communistes. Le message est clair : si les Réunionnais donnent leur confiance au PCR, l’île court à sa perte. Ce serait la fin du mouvement vers la modernité à peine enclenché par l’arrivée du député Michel Debré. Entre les mains des communistes La Réunion n’aurait d’autre avenir que le sous-développement ; une grande misère comme à Madagascar, comme aux Comores.

 

Ainsi, alors qu’au début des années 1970, renaît peu à peu dans l’île un débat autour de la notion d’ « autodétermination », celui-ci « est totalement occulté de la scène médiatique, notamment audiovisuelle[19] ». L’audiovisuel réunionnais se caractérise « tout au long de son histoire par une volonté à peine dissimulée de mainmise et d’appropriation par l’appareil d’Etat[20] ».  

Cependant, cette diabolisation des communistes et leur éviction des médias audiovisuels, fortement dénoncée dans la presse partisane de la gauche, contribueront à renforcer l’image du leader charismatique, Paul Vergès.

 

- Jean Vincent-Dolor : l’homme orchestre de la télévision réunionnaise

 

Dans un paysage médiatique qualifié de « muselé », la gauche sera privée de télévision jusqu’aux années 1980. Le principal « coupable » de cette absence de pluralisme est le journaliste Jean Vincent-Dolor. Partisan du député Debré, il « reconnaît et assume totalement ce que l’on pourrait appeler une censure totale des communistes, comme d’ailleurs de toute autre tendance qui n’appartiendrait pas à la majorité gouvernementale[21]».

 

 

b)    Statut et programmation du service public au temps du monopole[22]

                                                                                                 

- Les débuts de la télévision 

 

Avant même le lancement de la télévision à La Réunion, il est décidé par les dirigeants de la future station qu’il ne serait proposé aux Réunionnais que deux heures, voire deux heures et demie de programmes par jour. Les débuts sont plutôt chaotiques car l’installation du média s’est faite dans la précipitation : La Réunion s’était lancée dans une course avec l’île Maurice. Si ce sont les Réunionnais qui voient les premières images télévisées, les Mauriciens pour leur part n’auront à attendre que quelques semaines supplémentaires mais la couverture de l’île sera complètement assurée dès le départ.

 

Ainsi seuls quelques chanceux (et fortunés !) Dionysiens auront la chance de voir le 04 février 1965, le premier journal télévisé réunionnais dont le présentateur ne sera autre que Jean Vincent-Dolor, qui occupe en outre la fonction de rédacteur en chef. Composé de deux sujets sur la visite du ministre Alain Peyrefitte à La Réunion, ce premier JT ne durera qu’une dizaine de minutes.

 

Sous la direction régionale de M. Guyot et avec comme directeur des programmes M. Robert Villeneuve, la station du Barachois a le statut de Centre d’Actualités Télévisées (CAT). Cela signifie qu’elle dispose de deux caméras : l’une pour les émissions de plateau, l’autre pour les reportages extérieurs. Pour Jean Vincent-Dolor la rigidité de ce statut constitue un obstacle tel qu’il décourage toute initiative de la part de l’équipe de la station du Barachois. Cette équipe est au départ composée d’un chef de centre, d’un technicien de maintenance, de techniciens projectionnistes, de monteurs, de preneurs de son, de caméramans, de laborantins et de journalistes. Le statut de CAT impose aussi le respect de nombreux protocoles. Par exemple, pour aller tourner des reportages, M. Vincent-Dolor explique que la présence d’un preneur de son, d’un caméraman preneur d’images, d’un journaliste-caméraman et d’un journaliste était obligatoire[23]

 

En ce qui concerne les programmes, la station devait composer avec des délais très longs : les programmes étaient envoyés depuis Paris par avion. Pour l’élaboration du journal télévisé, la station avait au départ accès au service Afridascar de l’AFP. Mais les informations qui étaient alors fournies ne correspondaient pas aux attentes des Réunionnais. Elles concernaient l’Afrique et Madagascar, pays auxquels était alors assimilée La Réunion aux yeux des responsables parisiens. Grâce à une intervention de Michel Debré, les journalistes de La Réunion ont pu avoir accès à d’autres dépêches de l’AFP. Mais comme l’envoi des bandes se faisait depuis Paris par avion, elles arrivaient toujours avec quelques jours de retard. Les Réunionnais avaient donc les nouvelles nationales et internationales annoncées par le présentateur du JT puis ne voyaient les images que quelques jours plus tard. En ce qui concerne l’actualité locale, la station ne produisait que quatre sujets locaux par jour.

 

En 1974, la mise en service de deux satellites (Télécom 4 et Symphonie) révolutionnera la programmation de la chaîne. Cette même année, un nouveau type d’émission apparaît : le direct. Deux ans plus tard, autre révolution technique : l’arrivée de la couleur pour les films sur les écrans réunionnais. En 1978 enfin, des émissions locales peuvent être crées en couleur, grâce à une régie couleur. 

 

Au départ placée sous la tutelle de la RDF (Radiodiffusion française) puis de la RTF (Radio Télévision française), la station du Barachois est intégrée à l’ORTF (Office de Radio Télévision français) en 1972. Après l’éclatement de l’ORTF en 1974 (désormais composé d’une radio, France Inter, et trois télévisions, TF1, Antenne 2 et FR3), la station devient FR3 – Réunion.

 

La loi sur l’audiovisuel de 1982 vient encore modifier le statut et le nom de la chaîne réunionnaise : à partir du 28 décembre 1983, elle est rattachée à la toute nouvelle société de programmes, RFO (Radio France Outre-mer)[24]. Cette même année, un deuxième canal est ouvert, alors qu’en métropole existent déjà trois chaînes de télévisions. Cette deuxième chaîne a pour vocation de diffuser une partie des programmes d’Antenne 2. 

 

Conscients du décalage qui perdure entre la télévision réunionnaise et la télévision proposée aux Métropolitains, les Réunionnais se sentent d’autant plus lésés qu’ils paient la même redevance que leurs compatriotes. Peu à peu, le mécontentement des Réunionnais grandit et un climat contestataire s’installe.

 

- Les premières demandes de pluralisme 

 

A la contestation quant à la quantité de programmes proposés, s’ajoute une forte critique du contenu de la télévision. C’est l’objectivité même du média qui est remise en cause, comme nous le verrons au travers de différents événements.

Dès la fin des années 1960, la plupart des journaux réunionnais dénonceront la partialité du média, notamment lors des élections législatives de 1967. Durant la campagne électorale, la majorité disposera d’autant de temps d’antenne que tous les partis de l’opposition réunis.

 

En 1968, à Paris, une grève des journalistes au nom de l’objectivité secoue l’ORTF. Elle sera peu suivie à La Réunion mais cela montre que le débat est existant. Katia Cazanove relate dans son mémoire un exemple de ce qui se fait couramment à la télévision réunionnaise : c’est « l’affaire du SNES ».

 

« En 1975, un débat est organisé par FR3 sur le thème de l’éducation à la Réunion. Tous les représentants de l’éducation sont invités sauf le SNES (qui avait pourtant le 1er lancé l’idée de ce débat). Le jour de la table ronde, les membres du SNES débarquent dans les locaux de la télévision sans même y être invités. Les responsables de FR3 poussent l’affaire devant le tribunal. Puis, retirent leur plainte. Mais les poursuites se sont déjà engagées. Pour les responsables de la télévision, la présence du SNES n’était pas indispensable à ce débat. Pour le SNES, FR3 leur a interdit l’antenne à cause de leurs opinions dérangeantes[25]. »

 

Deux ans plus tard, a lieu ce que le Journal de l’Ile a appelé « Le pique-nique communiste à FR3 » : cinq cents personnes se réunissent devant les grilles de la station pour revendiquer la liberté d’expression. Cette manifestation portera ses fruits puisque l’année suivante, Paul Vergès s’exprimera pour la première fois à l’antenne, à l’occasion de « La semaine de l’arbre » qui se déroule dans la ville du Port, fief communiste.

 

A la Réunion, la télévision reste fidèle à « la voix de son maître » : elle est un instrument au service du pouvoir en place et elle censure sans complexe comme le montrent les propos de Jean Vincent-Dolor exposés un peu plus tôt. La presse se fait l’écho du sentiment qui règne au sein de la population réunionnaise : « Les nouvelles transmises et la manière de les transmettre relèvent d’une politique particulière ; des aspects en sont omis, des événements sont passés sous silence[26]. »

Bien que le rôle de Jean Vincent-Dolor soit évident dans la mise en place de cette censure politique, pour ce qui est du contenu, le journaliste accuse le centralisme parisien.  Ainsi, Jean Vincent-Dolor explique que : « La marge de manœuvre locale, en dehors du contenu des informations, en ce qui concerne les programmes, était très étroite. En fait, elle était pratiquement inexistante. Même à un moment donné, les services centraux à Paris nous imposaient que telle émission devait passer à telle heure[27]. »

 

Autre reproche souvent fait à la télévision de service public : l’exclusion de la langue créole et la non-représentation de la majeure partie de la population. Jean Vincent-Dolor semble en grande partie responsable de cette vision négative du service public. Ses propos reflètent en effet sans quiproquo son refus de laisser place au créole à l’antenne : « il n’est pas question, considère-t-on, d’abaisser la qualité du contenu[28]. » La culture créole en général est méprisée : les Réunionnais doivent apprendre la culture française, ils doivent, grâce à la télévision, apprendre à parler un français correct. L’objet de la télévision est d’éduquer, d’ouvrir les créoles à une culture considérée comme supérieure. Ainsi, « la télévision des années 70 à la Réunion, bien que service public, ne remplit aucun rôle de médiation publique entre l’Etat et la société civile[29]. »

                                         

Pendant cette première période de la télévision réunionnaise, les fondements du paysage audiovisuel sont posés par quelques potentats locaux sans tenir compte des aspirations populaires. L’heure n’est plus (ou beaucoup moins) à la sacralisation de tout ce qui provient de la métropole. Les Réunionnais souhaitent également se reconnaître dans la télévision. La vision du service public est de plus en plus noire et le climat sociopolitique national et local est favorable à l’apparition tout d’abord de Radio Free DOM, puis de Télé Free DOM. Voyons comment les Réunionnais prennent peu à peu possession de leurs médias.

 

 

 

 


     II.      A La Réunion, Free DOM libère les ondes…

 

La Réunion du début des années 1980 n’est plus l’île dévastée dans laquelle débarquait Michel Debré une quinzaine d’années auparavant. Dans la deuxième phase de la départementalisation (dont le commencement correspond à l’arrivée de la télévision), l’île se transforme grâce à une nouvelle politique d’intervention de l’Etat dans de nombreux domaines : les médias bien sûr, comme nous l’avons vu dans notre premier chapitre, mais également les transports, les aides sociales, l’éducation…

 

Dès le milieu des années 1970, un changement s’opère. Les jeunes Réunionnais n’ont plus les mêmes attentes, ni les mêmes revendications que leurs aînés, qui dans une société aux réminiscences coloniales n’ont pas eu la possibilité de s’exprimer. L’accès à l’enseignement s’est démocratisé dans le même laps de temps que la télévision ouvrait une petite fenêtre sur le monde.

 

La mainmise gouvernementale est sur le point de s’ébrécher. Elle volera complètement en éclat quelques années plus tard lorsque le gouvernement de Mitterrand placera parmi ses priorités le dossier de la décentralisation et de la régionalisation et proclamera la liberté de l’audiovisuel.

Dans cette partie du mémoire, nous évoquerons comment cette libéralisation des ondes à La Réunion se déroulera au rythme imposé par le mouvement Free DOM.

 

  1. Free Dom, première radio libre de la Réunion

                                      

a)     Les premières brèches médiatiques

 

- Les journaux lycéens

 

Faisons d’abord un bref tour d’horizon de la presse réunionnaise de la période. La presse réunionnaise est par tradition une presse partisane. Elle est le reflet de la bipolarisation politique exacerbée de l’île. S’affrontent donc deux quotidiens : Témoignages, organe du PCR créé au sortir de la guerre, en 1944 (au départ, il était hebdomadaire) et le Journal de l’Ile de La Réunion, fondé en 1951 et porte-parole de la droite locale.

 

L’accès aux médias audiovisuels étant verrouillé dans l’île comme au niveau national et requérant tout de même certaines installations, c’est peut-être plus naturellement vers la presse écrite que la jeunesse réunionnaise va dans un premier temps s’exprimer. Si « mai 68 » n’a pas vraiment eu lieu dans l’île, au début des années 1970, les lycéens vont se libérer par la plume. Evasion, Cactus, Boom Jeunesse, Pourquoi pas ? sont autant de feuilles aux titres évocateurs publiées par les jeunes du lycée dionysien Leconte de Lisle. Peu à peu on perçoit les prémisses d’un espace public médiatique local. Ces premiers journaux lycéens constituent la première « brèche médiatique », ce sont les premiers espaces d’expression libres de tout pouvoir. Pour Bernard Idelson, les années 1970 sont des années charnières durant lesquelles on assiste à un « télescopage entre deux espaces sociaux, l’un traditionnel, caractérisé par une sociabilité fondée sur l’interconnaissance, l’autre plus marqué par la modernité et l’accès à l’anonymat des espaces plus publics[30]. »

           

- Le Quotidien

 

Dans la même mouvance, en 1976, s’ouvre une nouvelle brèche médiatique, cette fois un peu plus importante, Le Quotidien de La Réunion et de l’Océan Indien. Son fondateur, Maximin Chane Ki Chune, fait partie d’une nouvelle génération d’entrepreneurs dans l’île. Il s’entoure alors de jeunes journalistes (des anciens des premiers journaux lycéens ou des jeunes sortant des écoles de journalisme métropolitaines) qui ont à cœur de respecter les canons professionnels tels que la pluralité d’expression et la valorisation du fait local.

 

Les innovations du journal se font aussi bien sur le plan technique que sur le plan rédactionnel. D’un point de vue technique, il adopte le format tabloïd et développe un réseau de distribution performant. En ce qui concerne l’aspect rédactionnel, on remarque la mise en valeur des pages locales désormais rubriquées, le développement de l’information de proximité, des tribunes libres ouvertes à toutes les composantes politiques, une page « courrier des lecteurs » qui selon Bernard Idelson, aborde des sujets polémiques, et par conséquent également « vendeurs », tel que le débat « zoreil[31] – créole », l’enseignement du créole à l’école, etc.[32].

 

Le journal « au moment de son lancement, a sans doute perçu les changements sociaux de l’île : mobilité sociale engendrée par la départementalisation, essor de l’école et donc des attentes de lecteurs mieux formés et plus critiques, valorisation du fait local jusque-là occulté parce que jugé subversif[33].». Le Quotidien impose un nouveau style : « L’indépendance d’esprit et la liberté de ton (le style poil à gratter) plaisent ou agacent dans une société nouvelle, jusque là étouffée, confinée dans le conformisme intellectuel et moral instauré par les censeurs de la société notabiliaire traditionnelle, empressés d’étiqueter, de marginaliser, d’exclure[34]. »

 

Cependant, il va se faire des ennemis de tous les côtés : les uns l’accuseront de « valet camouflé de la droite[35] » tandis que les autres ne verront pas d’un bon œil l’arrivée d’un concurrent direct pour le Journal de l’Ile, d’autant plus qu’il offre un espace d’expression à la gauche et ébranle donc l’ordre établi.

Mais le titre va connaître des difficultés financières. En 1977, il est condamné à la liquidation judiciaire. Le titre continuera de paraître quelques jours dans l’illégalité. Pour sa survie, s’organise un mouvement de solidarité : une manifestation a lieu et un gala de soutien réunit près de huit cents personnes. Le journal peut continuer à vivre.

 

Notons avec Paul-François Martinez que «  sur le plan médiatico-socio-politique, la naissance du Quotidien ouvre l’ère du changement. Au niveau de la presse écrite d’abord, mais aussi de la radio et de la télévision qui ne pouvaient rester ce qu’elles étaient[36]. » Voyons donc comment les Réunionnais vont s’emparer des ondes pour prendre définitivement la parole.

 

b)    Les Réunionnais prennent la parole

 

- Le docteur Camille Sudre, père de la « radio de la Liberté »

 

D’origine ardéchoise, le docteur Camille Sudre apparaît dans la littérature locale comme le « libérateur des ondes » réunionnaise. Personnage charismatique s’il en est, « l’homme en blanc » (il est en effet tout de blanc vêtu à chacune de ses apparitions) perçoit une demande sociale pour une plus grande pluralité et lance dès le 14 juillet 1981, date symbolique d’une « prise de Bastille radiophonique[37] », Radio Free DOM.

 

S’inspirant à la fois d’Amnesty (Camille Sudre a milité plusieurs années pour Amnesty International) et de Radio Riposte (la radio pirate des socialistes), elle est l’une des premières radio libre associative de l’île (Radio Détente la précède de quelques jours). La 94ème des cent dix propositions énoncées par le candidat Mitterrand en 1981 annonce la fin d’une trentaine d’années  de monopole radiophonique à La Réunion :

« La télévision et la radio seront décentralisées et pluralistes. Les radios locales pourront librement s’implanter dans le cadre du service public. Leur cahier des charges sera établi par les collectivités locales. Sera créé un Conseil national de l’audiovisuel où les représentants de l’Etat seront minoritaires. »

 

Selon Arnaud Pontus, dès sa création, la radio se dit indépendante de tout gouvernement, de toute idéologie et des puissances économiques[38]. Free DOM propose un bulletin d’informations locales quotidien, en partenariat avec le Quotidien, et plus tard, les informations d’Europe n°1. Dès le départ, la radio connaît un succès fulgurant, auprès des plus déshérités comme de la classe moyenne, « lassée du conformisme moral [39] ». Le soutien populaire fera vivre la radio les premières années : « des galas, shows, soirées dansantes à Saint-Denis et dans l’île vont faire vivre cette radio jusqu’en 1984. Les supporters affluent, d’horizons divers, unis contre le conformisme[40]. » En 1984, les radios libres auront le droit d’avoir recours à la publicité pour subvenir à leurs besoins.

 

Radio Free DOM va surtout offrir à la population réunionnaise tout ce que les médias audiovisuels sous le joug gouvernemental lui refusaient : la proximité et surtout l’interactivité. L’interactivité se fera dans un premier temps par le biais des émissions de jeux et les dédicaces, puis au travers d’émissions telles que « Moucate a li[41] » en 1985.

 

- les « Radio doléances », clés du succès de la radio

 

En 1986, une émission intitulée « Radio doléances » marque un réel tournant dans la construction de l’espace public réunionnais. C’est un véritable bouleversement : un nouvel espace d’expression s’offre à la population réunionnaise. Les auditeurs peuvent s’exprimer librement à l’antenne, en direct et sans filtrage, en français ou en créole, sur des sujets de société ou sur des sujets qui leur tiennent à cœur. Pour Arnaud Pontus, l’émission a des vertus pédagogiques autant que psychologiques : « L’intervenant est mis en valeur pendant quelques minutes. Il s’exprime à la radio, il est écouté, on lui répond. Ainsi, l’émission fait à la fois office de soupape de sécurité, de confesseur et d’assistance sociale[42]. »

 

« Libérées, les doléances pleuvent[43] »… Toutes les angoisses d’une société en transition vont se cristalliser à l’antenne de Radio Free DOM : le sentiment d’injustice de cette masse de la population qui voit s’installer dans l’île une société de consommation à laquelle elle n’a pas accès, la liberté de s’exprimer en créole alors que cette langue populaire a jusque-là été dénigrée et méprisée par les instances officielles… Free DOM la radio qui refuse la discrimination et dont la devise est « pour vous et par vous[44] » enclenche un mouvement de contestations dans le chef-lieu.

 

Le succès de Radio Free DOM va encourager la création d’autres radios privées ou associatives : en 1985, une quarantaine de fréquences sont attribuées par la Haute Autorité. Camille Sudre, quant à lui, devient rapidement une sorte de leader populaire.

                                                 

  1. Camille Sudre à la conquête de la télévision

 

a)     Continuité de l’expérience radiophonique 

               

- Création, statut, fonctionnement d’une télé pirate

 

Fort de son succès radiophonique, Camille Sudre se lance à la conquête de la télévision. Dès 1985, il fait venir dans l’île le matériel nécessaire au lancement d’une télévision et démarre quelques essais techniques. Le 13 mars 1986, dix ans après l’ouverture de la première brèche médiatique d’importance par Le Quotidien, Free DOM diffuse ses premières images et brise de ce fait le monopole du service public sur la télévision. La chaîne peut d’ores et déjà compter sur le soutien de tous les « fidèles » de la radio et les inconditionnels de Camille Sudre.  Ce dernier n’a pas choisi la date de lancement de sa télévision au hasard. Nous sommes alors dans la période de la première cohabitation entre un Président socialiste et un Premier ministre RPR. Il explique :

« C’était pour nous la meilleure période, la première cohabitation. C’était une façon d’embarrasser les pouvoirs publics. On savait que la prise de décision n’était pas facile. (…). Et comme chacun s’était engagé pour libérer la télé, on nous a laissé vivre, sans astreinte évidemment. La justice n’a pas osé saisir tout de suite[45]. »

 

La chaîne de télévision émet en effet sans aucune autorisation. Camille Sudre se base sur les possibilités offertes par les premiers textes sur la liberté de l’audiovisuel et sur une déclaration de François Mitterrand datant du début de l’année 1985 et annonçant la possibilité de création d’une quarantaine de télévisions locales privées, après dérogation. Camille Sudre met les autorités devant le fait accompli, profitant d’une période politique délicate, et espère une légalisation de sa télé pirate. Il aura cependant affaire à la justice peu après le lancement de sa télé, lorsque Télé Diffusion de France (TDF) portera plainte contre la chaîne pour utilisation pirate des fréquences. Malgré la prononciation d’une interdiction d’émettre par la Chambre civile au Tribunal de Grande Instance en septembre 1986, Camille Sudre continue la diffusion de Télé Free DOM.

 

TDF ne sera pas la seule à se plaindre de l’existence de la chaîne. La suivront les patrons de vidéo clubs, les producteurs et les distributeurs de films, entre autres. Car Free DOM ne pirate pas que les fréquences : une chaîne de télévision coûte cher et il est difficile d’attirer, dans un premier temps, les annonceurs sur une télé pirate (d’autant plus que le marché publicitaire local est limité et contrôlé, selon Paul-François Martinez, par quelques groupes de pression affluents[46]). La télé s’appuie essentiellement sur les revenus de la radio et, comme elle n’a aucun cahier des charges à respecter, elle a une totale liberté de programmation : elle ne respecte aucun quota de diffusion et ne paie aucun droit.

 

- La soif d’images des Réunionnais

 

A l’heure où se crée Télé Free DOM, les téléspectateurs Réunionnais ne disposent que des deux canaux de RFO tandis que les Métropolitains ont accès à six chaînes, dont la chaîne privée à péage Canal Plus. Mais les créoles ont une soif d’images à laquelle Camille Sudre entend répondre. Il plaide la légitimité, à défaut de la légalité. « Je supplie les autorités de penser à toute cette jeunesse, et à toutes ces vieilles personnes qui manquent de distraction dans une région où les loisirs restent une affaire de riche[47]. » M. Sudre semble surfer sur la vague de protestations et les revendications qu’il peut entendre chaque jour à l’antenne de Radio Free DOM. Il se fait le messager du peuple qui lui adresse ses doléances.

 

Le journal Le Monde, en 1987, constate lui aussi l’avidité des Réunionnais pour les images nouvelles : « Dans une île repliée sur elle-même, la télévision jouit d'une audience exceptionnelle : la quasi-totalité des foyers en sont équipés et, malgré un niveau de vie sensiblement plus bas qu'en métropole, le département figure parmi les premiers au palmarès de l'équipement en magnétoscopes[48]. »

 

- Des programmes de très mauvaise qualité : une «télé pour les pauvres»

 

Malheureusement, il est regrettable que M. Sudre n’offre à ses téléspectateurs que des programmes de mauvaise qualité. Un journaliste du Monde relève que le seul mérite de la station est d’exister « tant la programmation est médiocre[49] ». La grille, très mal vue et très critiquée par la bourgeoisie locale, est essentiellement composée de films de karaté et de films pornographiques, des programmes bon marché (mais tout de même rarement payés !) achetés à des intermédiaires parisiens.

 

Certains s’insurgent et accusent Camille Sudre de faire une télé pauvre pour les pauvres. Ainsi, nous pouvons lire dans le Quotidien : « On ne voit pas en quoi un journal télévisé présenté en short, ou un film de karaté seraient plus spécialement destinés aux déshérités[50]. »

 

Le credo de Camille Sudre est le suivant : Télé Free DOM est la télévision du peuple, des jeunes, du pauvre, des enfants, des malades et des personnes âgées. La chaîne construira son succès à partir des mêmes recettes que la radio : elle va offrir un espace d’expression à ses téléspectateurs.

 

 

 

 

b)    Ondes de choc à RFO

 

- Succès de Free DOM

 

Malgré la très mauvaise qualité des programmes, Free DOM est le seul palliatif aux deux canaux de RFO et s’impose dans les foyers  « moins pour ses vertus propres qu’à cause des insuffisances répétées de la télévision publique[51]. » Free DOM tâchera de combler les lacunes de RFO sur plusieurs points.

 

Tout d’abord Télé Free DOM augmentera sensiblement la quantité de programmes par jour en démarrant ses programmes dès 10h du matin et en diffusant 24h/24 le week-end et en période de vacances scolaires, alors qu’en face, les deux canaux de RFO n’ouvrent leur antenne que dans l’après-midi. Le premier canal de RFO offre en moyenne 8 h de programmes par jour et le second canal, environ 4 h. Télé Free DOM, libre de programmer autant de films qu’elle veut, imposera une concurrence déloyale à RFO, soumise aux mêmes règles que la métropole en matière de quotas.

 

La station de Camille Sudre jouera aussi sur le créneau de la proximité. Alors que sur RFO le JT est l’une des seules émissions locales proposées, Télé Free DOM accueillera Monsieur Tout-le-monde sur ses plateaux. Les émissions de débats proposées sont nombreuses : Face à la presse, Télé Free-ctions, … Les Télé Doléances prennent le relais des Radio Doléances et rencontrent le même succès. Lors de ces débats, abordant de nombreux sujets de société, les participants peuvent s’exprimer librement, en français ou en créole.

 

Télé Free DOM tentera de se différencier aussi sur l’information. Le reproche principal fait à RFO dans ce domaine est que tout est centralisé à Paris. Les Réunionnais sont plus au fait des actualités métropolitaines que de ce qui se passe dans leur île, comme l’illustrent ces propos de Sonia Chane - Kune :

« La situation pouvait frôler l’absurde avec la diffusion d’informations sur les embouteillages du périphérique parisien, ou avec la retransmission de jeux interactifs avec le public métropolitain : les Réunionnais sont alors, plus que jamais, des spectateurs passifs, conçus pour d’autres[52]. »

 

Concernant les informations locales, on reproche à RFO son refus du pluralisme. Ainsi, dès 1987, Télé Free DOM proposera son propre journal télévisé, réalisé par la société de production STUDIO 13.

 

Peu de temps après son lancement, un sondage réalisé par la société Remark affirme que Free DOM est plus regardée que RFO : les annonceurs ont confiance en ces résultats et se tournent vers la télé pirate.

 

            - RFO fustigée par la presse et les politiques…

 

L’arrivée de Télé Free DOM dans le paysage télévisuel réunionnais va ébranler les bonnes vieilles habitudes du « dinosaure » RFO. Son non respect du pluralisme sera dénoncé à plusieurs reprises. Ainsi, dans un article datant du 31 Juillet 1987, le président du Conseil régional de La Réunion, Pierre Lagourgue, affirme que « RFO Réunion privilégie de manière à peine voilée le RPR sur ses ondes. Ainsi, la dernière "Heure de Vérité" de M. Raymond Barre n’a-t-elle été diffusée à une heure de grande écoute que quatre jours après sa programmation à Paris, alors que, traditionnellement, cette émission est diffusée le lendemain, sur le premier canal de RFO[53]. »

 

Le quotidien Le Monde parle déjà en février 1988, de « confettis du monopole[54] ». Le mouvement décentralisateur lancé par le gouvernement socialiste semble ne pas se concrétiser dans le domaine de l’audiovisuel à La Réunion. En 1987, paraît dans Le Monde un article intitulé « La "petite révolution" contestée de RFO[55] » dans lequel le nouveau PDG de RFO, M. Jean-Claude Michaud (ancien collaborateur d’Alain Peyrefitte), annonce qu’il ne veut plus d’une « décentralisation de façade[56] » : la petite révolution consistera donc en la réalisation complète des journaux télévisés sur la vie nationale et internationale à … Paris ! Ces journaux sont par la suite envoyés tout faits dans les DOM-TOM. La critique du journaliste ne tarde pas : pour lui, il ne s’agit pas d’autre chose que de contrôle de l’information par les responsables parisiens. L’année suivante, dans les pages du même quotidien, la polémique autour de RFO est toujours vive : la station de la Réunion « illustre les difficultés qui guettent depuis toujours le service public audiovisuel outre-mer : trop près des centres de pouvoir, préfecture, mairie ou conseil général, pour en paraître indépendant et trop tourné vers la métropole, à 10 000 kilomètres de là, pour vraiment prendre en compte les aspirations locales[57]. »

 

Mais l’événement qui mettra le feu aux poudres sera la mauvaise couverture par RFO de l’arrivée du Président Mitterrand à l’aéroport de Gillot pour une visite officielle à la Réunion. Suite à un incident technique, les images de l’arrivée du Président sont très mauvaises et son allocution, presque inaudible. Arnaud Pontus rapporte les propos tenus par François Mitterrand dans le Quotidien :

« Je considère que RFO, par son comportement, n’est pas digne de la mission qui lui a été dévolue, et je n’ai aucune raison de la cautionner. [ …] Il doit y avoir plusieurs moyens d’information. Il n’y a rien de pire, en effet, que la tentation totalitaire[58] ».

 

RFO, sous le choc de ces accusations, va lentement évoluer. Les véritables changements d’orientation se feront plutôt à l’arrivée d’une concurrente qui s’annonce plus sérieuse, Antenne Réunion. 

A la fin des années 1980, même si quelques politiques parlent de la nécessité de « faire le ménage » à RFO, les hautes instances audiovisuelles ne réagissent que très mollement et en tout cas, ne sanctionnent pas la chaîne. 

 

- … tandis que Free DOM bénéficie du soutien politique et populaire

 

Free DOM, pendant ce temps, bénéficie en quelque sorte de ce climat d’hostilité envers le service public. M. Sudre continue de clamer que sa chaîne se veut pluraliste, se conformant aux principes définis dès la création de la radio: pas de politique (du moins, elle n’essaie pas de faire passer ses idées politiques), pas de règlements de compte, pas de discrimination. La chaîne de télé obtient même le soutien de diverses personnalités politiques aussi bien au niveau local (André Thien Ah Koon, Pierre Lagourgue, Jean-Paul Virapoullé, Gilbert Anette, Pierre Vergès, Michel Vergoz, Hilaire Maillot, Albert Ramassany, Paul Vergès…) qu’au niveau national (Jacques Chirac et François Mitterrand). Le soutien populaire, lui, a pu être observé dès les premières condamnations de la chaîne. Déjà en septembre 1986, dix mille personnes étaient descendues dans les rues pour soutenir leur télévision de la liberté.

 

Le personnage de Camille Sudre, qui sait si bien mobiliser les foules, suscite autant d’admiration que d’inquiétudes de la part des élus locaux. Combien de temps encore fera-t-il vivre sa chaîne dans l’illégalité ? Toutefois, il joue quand même un rôle important dans la prise de conscience, au niveau local, qu’il y a une injustice par rapport à la métropole. Ainsi :

« La libéralisation médiatique intervenue entre 1976 et 1986 est emblématique de l’aspiration de toute la population réunionnaise à plus de citoyenneté et de démocratie. La scène médiatique qui émerge alors s’érige à présent en un espace de débat pour discuter de la chose publique, des problèmes de La Réunion et de son avenir[59]. »

 

Les Réunionnais défendront coûte que coûte cette liberté acquise. Mais Camille Sudre perdra le contrôle du mouvement qu’il aura contribué à enclencher.

 


III. … et fait déferler des vagues de protestations

 

 C’est dans un climat économique et social plutôt sombre que s’est déroulée l’ouverture médiatique de La Réunion. L’île s’est très certainement modernisée du point de vue des infrastructures, grâce aux transferts massifs de fonds en provenance de la métropole notamment. Les mentalités ont également évolué, on peut désormais difficilement parler de société coloniale. Mais on commence à percevoir les effets pervers de la régionalisation : l’écart entre les plus riches et les plus pauvres s’est creusé.

 

Du fait de la décentralisation, la population s’est massivement fonctionnarisée et on voit émerger une classe moyenne vivant « à l’occidentale ». Cette partie de la population peut accéder aux biens de la société de consommation, en plein développement.

 

Dans le chef-lieu, le décalage entre les deux milieux sociaux est d’autant plus visible que les plus pauvres sont logés en périphérie du centre ville, dans le quartier du Chaudron (comparé souvent de façon excessive aux banlieues de la région parisienne). C’est aux alentours de ce même quartier que ce sont installés aussi les signes les plus visibles de la société de consommation : grandes surfaces, concessionnaires automobiles…

 

Les jeunes du quartier quant à eux n’ont souvent pas de voiture (53% des habitants du Chaudron ne possèdent pas de voiture) et souffrent de la promiscuité. Ils n’ont souvent pour seul divertissement que la télévision, notamment Free DOM qui diffuse toute la journée des dessins animés, des films de karaté ou encore des films pornographiques. Autant dire qu’entre ces programmes de mauvaises qualités et les émissions de doléances durant lesquelles les gens se plaignent de leur situation et appellent à plus de « justice sociale », les jeunes baignent dans un climat de violence.

 

Mais la chaîne de télévision de Camille Sudre est pirate. Paul-François Martinez explique que « pour sauver la télévision, [il] choisit la voie politique. On peut certes affirmer que le passage est facile pour tout ambitieux tenté de transformer une large audience médiatique en audience électorale[60]

 

Si les tentatives de régularisation de la Télé Free DOM ont été nombreuses, Camille Sudre choisit de mener son combat dans la rue plutôt que de se plier aux autorités. Les événements lui échapperont malheureusement complètement.

                                             

  1. Premiers affrontements avec les autorités audiovisuelles[61] 

                  

a)    Echec des tentatives de régularisation de la télévision pirate

                                                                

- Camille Sudre sait mobiliser les foules

 

Dès les premiers mois d’existence de Télé Free DOM et dès sa première condamnation, Camille Sudre a su qu’il pouvait compter sur un soutien populaire sans faille. En septembre 1986, quelques jours après que le Tribunal de Grande Instance a condamné Télé Free DOM à cesser d’émettre, dix mille personnes viennent manifester leur soutien à Camille Sudre sur le Barachois (le front de mer du chef-lieu). La manifestation se déroule dans le calme. Camille Sudre prévient ses fidèles de la possibilité d’avoir à manifester de nouveau. Paul-François Martinez nous retransmet son discours :

« Les profiteurs se croient tout permis, ils veulent assassiner Free DOM. Les ennemis de la liberté continuent à narguer les pauvres et la jeunesse, leur arrogance ne durera pas. Quand la justice est corrompue, la liberté d’expression est bafouée… Nous vivons un moment historique ! Vous êtes descendus pour défendre vos libertés. Vous êtes les premiers en France et seuls à défendre une télé libre… Demain nous fêterons cette victoire contre les ennemis de la liberté. Nous nous battons pour une société plus humaine, plus égalitaire. Nous avons voulu offrir une télévision gratuite, on ne nous l’a pas pardonné… Halte à la provocation, halte à la répression, fichez-nous la paix[62] ! »

           

Ce discours sur le registre guerrier fait penser que l’île est en état de siège. Ce n’est pas le cas en 1986, mais ces mots reflètent bien la personnalité de Camille Sudre : il est en guerre contre tous ceux qui oseraient toucher à sa télé. Celui qui parle avec tant de véhémence de liberté d’expression, semble ici un peu trop imbus des pouvoirs qu’il a acquis grâce aux médias. En tout cas, toute tentative de négociation en vue de légaliser la télévision s’annonce plutôt mal, étant donné le personnage auquel nous avons à faire.

 

- Le premier appel d’offre de la CNCL (1987)

 

Au cours de l’année 1987, la Commission Nationale de la Communication et des Libertés (CNCL), créée dans une poussée libérale pour remplacer la Haute Autorité, se lance dans une procédure de légalisation de Télé Free DOM. Pour cela, elle lance le 26 mai un appel à candidature « pour l’exploitation d’un service de télévision privée à caractère local ou régional diffusé par voie hertzienne terrestre dans le département de la Réunion[63] ». Selon cet appel d’offre, le cahier des charges auquel devront se soumettre les chaînes candidates est plutôt strict : « La télévision devra concevoir un programme propre conçu par elle –même d’au moins deux heures par jour dans le cas de l’utilisation exclusive d’une fréquence et d’au moins une heure par jour d’émission quand la fréquence est partagée avec un autre service de télévision autorisée[64]. » La CNCL exige également de cette chaîne le respect des règles nationales en matière de pluralisme. Les exigences de la CNCL paraissent assez difficiles à assumer pour une chaîne telle que Free DOM. Il s’agit aussi par cet appel à candidature de laisser la possibilité à d’autres porteurs de projets de se faire connaître.

 

En septembre 1986, quatre projets de télévisions ont été présentés à la CNCL : Télé Free DOM, Réunion Point Télévision, Télévision de Bourbon (TVB) et Réunion Télévision (RTV). C’est auprès du Conseil régional de la Réunion que la Commission doit prendre avis. Quatre grands critères doivent permettre aux élus de départager les dossiers : la participation des sociétés soumissionnaires au développement régional, les garanties offertes dans le domaine de l’information,  les garanties financières offertes  et enfin, les garanties techniques proposées.  

Pour Bernard Idelson, en réalité, les discussions et les enjeux autour des principaux projets se jouent sur le terrain politique, tout comme en France métropolitaine d’ailleurs, où la privatisation de TF1 ou encore la création de La Cinq avaient été le résultat de tractations politiques[65]. Le lancement d’une télévision privée à La Réunion, c’est une histoire d’hommes politiques.

 

Le projet RTV est soutenu par le Conseil régional. Les principaux promoteurs de RTV appartiennent au monde économique de l’île, ce qui constitue un atout de taille. Le projet TVB, lui, repose sur une société d’économie mixte, la SEMPA, détenue à 60% par le Conseil Général et à 40% par des sociétés privées. Pour le Conseil régional, cet appui sur le Département peut entraver le pluralisme de la future chaîne. Quant au projet Free DOM, selon le compte-rendu des délibérations, « Le bureau ne peut être indifférent aux intentions du promoteur, à sa pugnacité et à son désir de répondre à la soif de la population réunionnaise dans le domaine audiovisuel. Mais ni la lecture du dossier remis, ni l’expérience en cours d’ailleurs, n’apportent de réponses satisfaisantes aux critères que s’est fixé le bureau[66]. » Cependant, « les promoteurs de Télé Free Dom pourraient apporter leur expérience au projet retenu[67]. »

 

Autour de la situation réunionnaise, les autorités ne parviennent pas à démêler la situation : la CNCL finit par annuler l’appel à candidature.

Finalement, la situation convient fort bien à Camille Sudre qui continue à émettre en toute illégalité. Et plus Free DOM vit, plus elle s’installe dans les foyers réunionnais et elle gagne, pour ses défenseurs, en légitimité. Il sera donc de plus en pus dur de la faire taire…

 

- Le second appel à candidature du CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel)

 

En janvier 1989, le CSA remplace la CNCL. Les neuf membres du Conseil nouvellement créé décident alors de se pencher à nouveau sur le dossier épineux de La Réunion et du cas Free DOM. Laisser vivre une télévision pirate sans intervenir ne peut que ternir l’image de l’institution. Cela est également un fort mauvais exemple pour les autres DOM qui aspirent également à briser le monopole du service public. Le besoin d’images nouvelles est cependant moins fort aux Antilles où il est facile de capter les programmes américains grâce à une antenne parabolique.

 

Le 30 mai 1989, le CSA lance un nouvel appel à candidature. Cette fois-ci, cinq porteurs de projets se présentent : Télé Free Dom bien sûr, TVB, TV Run, Télé Réunion et enfin, le projet Antenne Réunion  couplé à Canal Plus Réunion. La démarche est la même que pour le premier appel à candidature : le CSA pour se prononcer se base sur l’avis du Conseil régional. Ce dernier rend un avis favorable pour le projet Antenne Réunion associé à Canal Plus Réunion, le 14 novembre 1989. Le Conseil Général soutient également ce projet car Antenne Réunion serait adossée à  la SEMPA, qui était associée au projet TVB en 1987.

 

Le projet bénéficie d’une assise financière confortable car les sociétés composant son capital sont durablement implantées dans l’île, et ce dans divers secteurs économiques. Par ailleurs, des entreprises de presse de tendances différentes sont partie prenante dans le projet, ce qui peut être un gage de pluralisme. Enfin, il est prévu dans le projet de sous-traiter avec d’importantes sociétés de production, et c’est là une garantie de la qualité des productions. Quelques semaines plus tard, les promoteurs des différents projets sont amenés à passer une audition auprès du CSA. Enfin, le 2 mars 1990, les neuf sages du CSA se prononcent en faveur du projet Antenne Réunion et lui attribuent le canal de diffusion alors occupé par Télé Free DOM.

 

b)    De la « manifestation des casseroles » à la saisie des émetteurs

 

- La contestation des Free Domiens

 

Cette décision déclenche la colère de Camille Sudre qui conteste immédiatement la décision du CSA. Pour lui, « Free DOM, c’est la télé du peuple, gratuite. Celle qui a gagné, c’est la télé des riches, à péage. (…) Cette décision est révoltante[68]. ». Sur le canal 25, occupé par la chaîne pirate, c’est « Télé Riposte » qui s’organise : douze heures par jours, à l’antenne les contestations et les appels à la mobilisation de C. Sudre sont diffusés. Le ton de ses discours est de plus en plus menaçant. Dans les quartiers populaires de Saint-Denis, des comités de soutien sont créés. Télé Free DOM bénéficie en outre du soutien de la classe politique. Camille Sudre est plus que jamais sûr de lui.

 

Le 07 mars 1990, se déroule dans les rues du chef-lieu une « manifestation des casseroles » : il faut que depuis Paris, le CSA entende le bruit de la revendication populaire. Quinze mille personnes répondent à l’appel de Camille Sudre. Les Freedomiens, réunis sur le front de mer, décident de se diriger vers la préfecture où ils vont s’en prendre aux CRS. Ces derniers vont riposter : la foule se disperse mais jusque tard dans la nuit, des exactions sont commises. Le mobilier urbain est saccagé, des journalistes sont blessés… Selon les témoins, la violence est inouïe.

A 23h, le préfet de La Réunion, M. Constantin, reçoit Camille Sudre, pour qui il nourrit une aversion personnelle, selon Paul-François Martinez. Le maire de Saint-Denis, Gilbert Annette, assiste également aux discussions entre son troisième adjoint et le préfet. Tous trois tentent de trouver une issue à la crise. Enfin, le Préfet va trouver la réponse qui calmera son ennemi : « si les élus de La Réunion, au complet, estiment que le paysage audiovisuel réunionnais justifie l’existence d’une quatrième chaîne, qu’ils le fassent savoir auprès du CSA[69]. »

 

Tout au long de la crise autour de Télé Free DOM, les différents acteurs ne feront que rejeter la responsabilité sur les uns et sur les autres. Ici, on observe que le Préfet se dédouane un peu de la responsabilité de la suite des événements en faisant reposer le sort de la chaîne entre les mains « des élus » et du CSA. 

Camille Sudre, quant à lui, s’il emportait jusqu’alors une large adhésion de la classe moyenne réunionnaise et d’une bonne partie de la classe politique, va commencer à inquiéter. Le soutien populaire, lui, sera inconditionnel. Mais par exemple, Monseigneur Aubry, évêque de La Réunion et acteur important de la vie de l’île (95% de la population réunionnaise sont alors baptisés), comptera parmi les nombreux détracteurs de Camille Sudre. Il a toujours été pour l’émergence dans l’espace public des spécificités créoles, mais à partir de cette manifestation des casseroles, il considèrera C. Sudre comme un « dangereux démagogue ». Dans le Quotidien, l’évêque déclarera : « Un responsable politique ne doit pas se permettre des déclarations susceptibles de déchaîner la violence dans un contexte social difficile. »

Camille Sudre perd le soutien de la classe moyenne, « […] fort réticente quand [il] passe du plan médiatique au plan politique en 1988. Elle est encore plus inquiète après la manifestation des casseroles (du 07 mars 1990) qui dégénère. La classe moyenne s’effraie du populisme, de la démagogie qui ont conduit au désordre et à la violence dans la rue[70]. »

 

- Le CSA tente de renouer le dialogue

 

Après cette manifestation, malgré les efforts des différentes personnalités politiques de l’île, les discussions entre le CSA et le leader de Free DOM échouent. Le CSA rappelle qu’il n’a jamais eu l’intention de légaliser une chaîne pirate et qu’il faut d’abord que Free DOM libère le canal qu’elle occupe (le canal 25) pour qu’un nouvel appel d’offre soit lancé. Mais Camille Sudre n’est pas homme à abandonner sa télévision sans garantie, ce qui provoque la colère des neuf sages qui demandent alors au Parquet la saisie du matériel de Free DOM. Camille Sudre élabore alors un nouveau projet qu’il a l’intention de présenter au prochain appel d’offre : Télé Liberté ! De son côté, le CSA fixe un ultimatum : Free DOM doit avoir cessé d’émettre au 1er février 1991. Le jour J, à minuit, Télé Free DOM interrompt ses émissions sur le canal 25 : c’est le soulagement général. Quelques heures plus tard, elle reprend la programmation sur le canal 28…

 

Dans cette affaire, aucune des deux parties ne semble prête à céder. Chacun campe sur ses positions : Camille Sudre refuse de cesser les émissions de Télé Free DOM tant qu’on ne lui assure pas que la chaîne sera légalisée. Le CSA, en tant qu’institution, ne peut pas céder au chantage, d’autant plus que les appuis politiques de M. Sudre sont très visibles. Le CSA ne peut pas non plus, en tant qu’autorité régulatrice garante de la qualité des programmes nationaux, cautionner une chaîne de télévision qui ne respecte aucun règlement en matière de quotas et d’horaire de diffusion. L’issue du conflit ne peut être que violente.

 

- Les émetteurs de Free DOM démontés

 

Le samedi 16 février, Camille Sudre appelle de nouveau ses « fidèles » à manifester la semaine suivante au Barachois. A l’antenne de Radio Free DOM, le rassemblement se prépare. On annonce l’arrivée de plusieurs centaines de CRS à l’aéroport. Ils ne sont en réalité qu’une centaine car en pleine Guerre du Golfe, le Préfet n’a pas pu obtenir les moyens qu’il réclamait. La dernière manifestation ayant dégénéré, le préfet interdit aux manifestants de se réunir sur le Barachois.

Le samedi 23, Camille Sudre lui-même lance un contrordre et appelle à ne pas manifester. Les quelques manifestants qui viennent malgré tout provoquent les CRS. Le retour au calme ne se fait pas avant 23 heures. Cette nuit-là, les autorités réunionnaises prennent note que Free DOM a beaucoup moins mobilisée qu’en 1990. Le mouvement semble s’être essoufflé. Le Procureur décide donc de mettre en application la demande de saisie des émetteurs du CSA. « Le dimanche 24, de 6 heures à 9 heures du matin, les CRS prennent position sur le site des émetteurs à la Montagne ; ils sont démontés. La saisie des émetteurs est considérée généralement comme le détonateur de l’explosion[71]. »

Ce dimanche-là et les jours suivants se dérouleront à La Réunion, les événements du Chaudron.

                                             

  1. Les événements du Chaudron

 

a)     Déchaînement de violences à Saint-Denis

 

Dès que Camille Sudre se rend compte de ce qui s’est passé, il appelle les Freedomiens à venir le soutenir au Barachois. Le mouvement s’organise rapidement grâce à un comité de soutien basé au Chaudron et un cortège quitte bientôt le quartier pour se rendre sur le front de mer. Les manifestants ont des déplacements stratégiques : des cibistes les informent des emplacements des CRS via l’antenne de Radio Free DOM. 

 

En début de soirée, les forces de l’ordre en sous-effectif face au nombre de manifestants, parviennent tout de même à faire refouler le mouvement vers l’est du chef-lieu. On peut suivre à la trace les manifestants car le long de leur parcours, tout est pillé : un supermarché appartenant au Groupe Bourbon dont le propriétaire, Jacques de Chateauvieux, est l’un des promoteurs du projet Antenne Réunion ; un concessionnaire automobile…

 

Le lendemain matin, le carnage continue : « Casse, mise à sac, incendie sont les trois phases du scénarios sans cesse répétées[72]. »

Comment en est-on arrivé là pour la défense d’une télévision ? On lira deux jours plus tard dans un article du Monde :

« Les ennuis de Télé Free DOM avec la justice, qui sont à l'origine des premières manifestations, sont aujourd'hui bien éloignés des préoccupations des casseurs et des jeunes désoeuvrés du Chaudron. Les appels à manifester lancés par les responsables de cette chaîne de télévision privée auront été tout au plus le détonateur d'une tension latente[73]. »

 

Dans le Quotidien, les chefs d’accusation émanant du peuple sont nombreux et Paul-François Martinez explique :

« En saisissant [les émetteurs], on a voulu achever une Télé Free DOM déjà mal en point ! Ce sentiment d’injustice dresse l’opinion contre le pouvoir […] Une population, d’ordinaire très respectueuse de l’autorité, la critique ouvertement : ce n’est pas seulement la fringale d’images (moyen de tromper l’oisiveté forcée) qui fait bouger. C’est aussi et surtout la révolte contre l’injustice, telle qu’elle est perçue dans les milieux les plus pauvres […] C’est la colère qui monte d’une identité insulaire "d’ultra-périphérie" contre une technocratie parisienne et ses antennes locales[74]. »

 

La violence monte jusqu’à atteindre son paroxysme au soir du lundi 25 février : le pillage d’un grand magasin de meuble tourne au drame lorsque les pilleurs sont pris au piège d’un incendie. Plusieurs personnes trouveront la mort. Le lendemain, la Réunion est en deuil et la tension est retombée.

Après l’abattement, vient rapidement le temps des accusations et de la recherche de responsables.

 

- A qui la faute ?

 

Les jours suivant dans la presse locale et nationale, on tente de déterminer les responsabilités de chacun. Tous se renvoient la balle.

Camille Sudre est bien sûr le premier montré du doigt, en particulier par le Préfet Constantin. M. Sudre admet implicitement « qu'il [a] joué à l'apprenti sorcier en appelant de nouveau ses auditeurs et ses téléspectateurs à manifester sur la voie publique alors qu'en mars 1990 ses appels avaient déjà dégénéré en violences[75]. » Toutefois, sur Radio Free DOM, l’homme se présente surtout en martyr et rejette la responsabilité sur les pouvoirs publics.

 

Le CSA figure aussi au banc des accusés : « En obtenant l'arrêt des émissions de Télé Free DOM, les " sages " sont brutalement devenus, aux yeux de l'opinion insulaire, l'incarnation d'une censure aussi lointaine qu'incompréhensible de la liberté d'expression[76]. » Mais le Conseil n’a pour autant pas l’intention de revenir sur ses décisions : les sages « n'entendent pas perdre la face au moment où ils s'apprêtent à rouvrir un autre dossier laissé en souffrance par la CNCL : celui de la télévision privée aux Antilles[77]. » Les pressions viennent pourtant de haut : « Lundi 25 mars, on suggérait déjà à l'Elysée qu'un nouvel appel à candidatures du CSA pourrait contribuer à ramener le calme sur l'île[78]. »

 

Enfin, la responsabilité de RFO est engagée : « de nombreux responsables politiques, dans l'île et en métropole, demandent à la chaîne publique de " remplir le vide médiatique " en augmentant ses programmes et en développant une télévision de proximité. RFO est-elle à la fois la source de tous les maux de la Réunion et le remède-miracle à sa révolte[79] ? » La question mérite d’être posée. D’ailleurs, la presse rapporte que le domicile du directeur de la chaîne a été attaqué par des émeutiers dans la nuit du 22 au 23 mars. Nous nous attarderons donc un plus longuement sur les reproches faits à la chaîne.

 

Dans un entretien accordé au journal Le Monde en mars 1991, M. François Gicquel, alors PDG de RFO, met en avant les différents points sur lesquels le service public est mis en cause. Pour lui, la chaîne est avant tout victime du « syndrome ORTF » : « dans une situation de monopole, la télévision publique devient responsable de tout. Sur notre antenne se cristallisent des attentes contradictoires, qu'une seule société, même avec deux canaux, ne peut satisfaire[80]. »

 

Le service public de télévision à La Réunion semble surtout souffrir des lenteurs et des incohérences administratives maintes fois mises en relief par Jean Vincent-Dolor. RFO est tenu au même règlement que les chaînes métropolitaines en matière de diffusion de films malgré les spécificités locales à savoir, un nombre de chaînes nettement inférieur et des loisirs qui restent hors de portée de la majorité de la population. RFO doit par ailleurs faire face à des contraintes budgétaires et selon François Gicquel, une «augmentation de la durée des programmes [risquerait] de se faire à coup d'émissions importées de Paris et au détriment de la production locale[81]. » Cela ne serait donc pas une solution pour combler le vide laissé par Free DOM.

 

b)    Free DOM ne veut pas mourir

 

Mais Télé Free DOM refuse de mourir, d’autant plus qu’elle bénéficie d’appuis politiques au plus haut placés. Ainsi, un article du Monde rapporte que M. Rocard a écrit à M. Boutet, alors président du CSA, « pour lui indiquer que, " à son sens, le moment lui paraissait venu de lancer l'appel d'offres pour une quatrième chaîne de télévision à la Réunion ". Une quatrième chaîne qui viendrait à point pour permettre à Télé Free DOM de réémettre dans la légalité. ». Le journaliste commente : « On ne saurait être plus directif vis-à-vis d'une autorité indépendante[82]. »

 

Peu à peu, le gouvernement accèdera aux demandes d’assouplissement de la législation pour les télévisions outre-mer émanant du Conseil. D’une part, autoriser la publicité pour la distribution dans les Départements d’outre-mer et d’autre part,  assouplir la réglementation sur le cinéma. Pour le CSA, « ces dérogations rendent viables des télévisions locales non cryptées et nous sommes disposés à lancer un appel d'offres pour une quatrième chaîne dès que le cahier des charges de RFO aura lui aussi été amendé sur ces points. Il n'est pas pour autant question de légaliser Télé Free-DOM. Nous avons toujours dit que M. Camille Sudre ne pourrait pas être présent pour plus de 20 % au capital d'une nouvelle chaîne. Nous restons fidèles à cette position[83]. »

 

Le CSA a tranché, il préfère le projet Antenne Réunion. La toute jeune équipe de la nouvelle chaîne a d’ailleurs commencé les essais en plein événements du Chaudron. Ces événements qui plus que du phénomène médiatique relève du domaine politique et social. Au lendemain de ces émeutes, on s’aperçoit de l’ampleur de la tâche à accomplir :

« Il faut, à la Réunion, combattre le sous-développement, l'analphabétisme, l'alcoolisme, mettre en place des filières de formation appropriées, attirer des capitaux extérieurs... Cela ne sera ni facile ni immédiat. Cela devrait se faire même si Télé Free-DOM n'avait jamais existé. En attendant, ce n'est pas en légalisant une drogue audiovisuelle sous la pression de la rue que l'on fera avancer les choses... sauf à compter sur la drogue pour faire prendre en patience le sous-développement[84]. »

 

Malgré la « mansuétude[85] » du Président Mitterrand, Free DOM ne se remettra jamais de cette interruption prolongée. Privée de rentrées publicitaires depuis juin 1993, elle continue jusqu’en 1994 à émettre illégalement et elle occupe la même fréquence qu’Antenne Réunion, et ce malgré la perte de ses émetteurs durant un cyclone. Camille Sudre transforme sa carrière médiatique en carrière politique en se faisant élire à la présidence de la Région en 1993. Mais cette élection sera par la suite annulée. Qu’à cela ne tienne ! L’épouse de Camille Sudre, Margie, prend le relais de son mari et se fait élire au même poste. Les époux Sudre sont à la tête de la Région et Antenne Réunion dans les starting-blocks, la télévision réunionnaise prend un nouveau départ.


Partie II. L’aventure Antenne Réunion : De « la télé qui bouge » à « la première télévision privée et gratuite de la France d’outre-mer »

 

               La création d’Antenne Réunion n’est pas due au hasard : elle est la résultante d’un contexte historique particulier. Nous avons la sensation qu’elle n’aurait pas pu avoir lieu plus tôt, même si en métropole la privatisation de la télévision était déjà lancée. Avant 1981, ce n’était pas possible : c’était le temps du monopole public, mais avant Free DOM non plus, car les Réunionnais n’avaient pas eu l’habitude de prendre la parole.

 

Antenne Réunion naît dans un contexte de libéralisation d’une société toute entière : les Réunionnais sont libres de s’exprimer dans la langue de leur choix et ils sont libres de regarder la télévision qu’ils veulent. Ce média occupe d’ailleurs déjà une place importante à La Réunion : sur les 156 000 foyers recensés en 1991, 133 000 sont équipés d’au moins un téléviseur couleur ou noir et blanc. Le taux d’équipement est par conséquent plus élevé qu’en métropole ! Grâce à la baisse du prix des téléviseurs par rapport aux autres biens de consommation, 80% des ménages réunionnais possèdent un téléviseur en 1987, contre seulement 30% en 1974 ! Autre chiffre révélateur : le budget télévision représente 45% du budget loisir des familles réunionnaises[86]. L’île, après une « phase de résistance » (des années 1960 et 1980), est passée à une « phase d’hybridation », ce qui signifie qu’elle est entrée dans l’ère de l’information et de la communication[87]. Nous montrerons dans cette seconde partie du mémoire comment Antenne Réunion trouve sa place dans la société réunionnaise.

 

 

 

 

             I.      Le projet Antenne Réunion Télévision / Canal+ : un bon consensus ?

                           

A.    Un projet confié à un réseau de notables

 

a)     Les grands entrepreneurs réunionnais gagnent la confiance du CSA

                                              

- Les promoteurs du projet et leurs motivations       

 

Après avoir obtenu l’autorisation d’émettre du CSA, Antenne Réunion Télévision est lancée sous forme de société anonyme, avec un capital social de 9 millions de francs. Comme nous l’avons dit précédemment, ce sont les acteurs majeurs de la société réunionnaise qui en sont les actionnaires. 

 

La diversité des entreprises engagées dans le projet séduira le CSA car, en plus d’une assise financière confortable, elle apparaît comme garante du pluralisme du média. Sont réunis autour de ce projet des groupements religieux (par exemple, l’Association musulmane de La Réunion), des médias (le quotidien communiste Témoignages, la FAR, Fédération des radios associatives de La Réunion), diverses associations et des entreprises de différents secteurs allant de l’agroalimentaire (Les Sucreries de Bourbon de Jacques de Chateauvieux) au bâtiment (la SBTPC, entreprise de travaux publics de Bernard Lenfant).

 

Le tour de table des actionnaires dépasse tous les clivages qui pourraient exister (concurrence économique, tendance politique…). La logique d’interconnaissance est la plus forte, comme le souligne Jacques de Chateauvieux dans un entretien accordé à Jean-Eric Bègue : « […] dans ces conseils d’administration […], on se retrouvait, je dirais, en laissant à la porte toutes nos autres préoccupations concurrentielles et à essayer de développer cette activité[88]. »

 

Tous ont conscience de participer à une grande aventure, à l’avènement d’une chaîne qui bouleversera le paysage audiovisuel réunionnais. Mais le danger que peut représenter Free DOM est également perçu. Ainsi, ce que Pierre Lagourgue cherche à mettre en place c’est « une solution de diversité par rapport à RFO mais d’une plus grande normalité par rapport à Free Dom[89] ».

 

Dans la presse, les articles parus à la nouvelle de l’autorisation d’Antenne Réunion avaient déjà mis en avant cette nécessité de proposer quelque chose de nouveau :

                                  

« Bonne chance à Antenne Réunion. Comme le dit le bon sens populaire, plus on est de fous, plus on rit. Vive les saltimbanques. Et souhaitons seulement que la nouvelle télé joue bien ce rôle de fou du roi. A quoi cela servirait-il d’avoir une RFO de plus, une « voix de la France » bis ? Mort aux monopoles, à la trouille, aux œillères, au dirigisme parisien. […] Vive Antenne Réunion symbole du second acte de la décentralisation, sans lequel le reste n’est qu’un leurre : la décentralisation politique et économique ne suffit pas à émanciper une population si on continue à lui confisquer la liberté de gérer, de traduire et d’exprimer sa pensée[90]… »

 

Si l’élément politique a lourdement pesé dans la balance (car plusieurs personnalités locales étaient allergiques au personnage de Camille Sudre, comme nous l’avons largement exposé dans notre première partie), l’élément économique a réellement été l’un des points forts du projet Antenne Réunion. La crainte principale des dirigeants réunionnais étaient l’étroitesse du marché publicitaire local, comme l’exprime Jean Vincent-Dolor :

« Moi j’étais très sceptique sur la rentabilité d’une télévision privée. Parce qu’une télévision à péage comme Canal Plus, j’en étais très partisan, mais m’étant occupé de la publicité, et ayant d’une part, une appréciation très précise des recettes publicitaires possibles, et d’autre part de ce que coûtait une chaîne à faire fonctionner, je voyais qu’il y avait un déséquilibre, tel que ça ne pouvait pas fonctionner, ça ne pouvait pas marcher[91]. »

                                                                                                                                           

Au départ, il est donc prévu qu’Antenne Réunion partage son canal avec la filiale de Canal Plus, Canal Réunion, chaîne cryptée et payante appartenant à 49,9% à Havas Dom. L’idée d’implanter Canal Plus à La Réunion avait été lancée plusieurs années avant, sous la varangue de Jean Vincent-Dolor, à l’époque où ce dernier avait une influence certaine sur l’audiovisuel réunionnais[92] : « […] Et moi, j’étais persuadé que ça marcherait. […]. Je me souviens que Christophe m’avait dit : "Pour rentabiliser Canal Plus à La Réunion, il nous faudrait plus de dix mille abonnés". Je lui ai dit, plus de dix mille abonnés, mais vous les aurez dans les trois mois, dans les six mois, ça va être une traînée de poudre[93]… » La prédiction de M. Vincent-Dolor était assez juste car la qualité de la programmation cinématographique, les transmissions sportives en direct et le faible nombre de chaînes proposées aux Réunionnais assureront un succès commercial presque immédiat à Canal Réunion. Un an à peine après son implantation, la chaîne avait déjà conquis 30 000 à 37 000 abonnés.

 

Adossée à une chaîne payante, voyons comment Antenne Réunion fera ses premiers pas dans le paysage audiovisuel réunionnais.

 

b)    Les balbutiements dans les locaux de la SEMPA[94]

 

            - La SEMPA

 

Les premiers pas de la première équipe d’Antenne Réunion se feront dans les locaux de la SEMPA. Cette Société d’économie mixte, c’est-à-dire dont le capital associe des collectivités locales et des partenaires économiques et financiers, est un outil de production audiovisuel. Elle avait été créée par le Conseil Général dès 1987 en prévision de l’ouverture du paysage audiovisuel réunionnais. En 1991, la SEMPA est mise à la disposition d’Antenne Réunion sous forme d’un contrat de location-gérance Le loyer fixé s’élève à un million de francs par an. Antenne Réunion n’a donc pas eu au départ à faire un lourd investissement dans le matériel nécessaire à son fonctionnement : elle dispose de caméras, de studios, d’une régie de montage et de diffusion.

 

Sous la direction de Christophe Ducasse (qui est à nouveau à la tête de la chaîne depuis mai 2004), de décembre 1990 à mars 1991, une petite équipe de journalistes (une trentaine de personnes) est formée par des enseignants du CFPJ. Lancée une chaîne en quatre mois est pour Christophe Ducasse « une vraie prouesse[95] ». Vue la faiblesse des moyens de la chaîne, cette formation est axée sur la polyvalence. Dès le départ, les journalistes d’Antenne Réunion sont des Journalistes Reporters d’Images alors que même dans les rédactions nationales ce mode de recueil de l’information n’est pas encore répandu. Dans une interview accordée au Journal de l’île de La Réunion, M. Ducasse relate les débuts de la chaîne. A propos de sa première équipe, il raconte : « C’était une vraie dream-team ! […] L’enthousiasme était total […]. Nous avions un esprit pionnier que nous tentons aujourd’hui de conserver. Avec l’idée que rien n’est acquis, ainsi qu’une prime au risque et à l’initiative. » Le directeur de la chaîne recrute alors « une pépinière de talents[96] ».

 

Lancée dans le contexte difficile des événements du Chaudron, la première équipe s’accroche. Nombreux sont ceux, comme le présentateur vedette de la chaîne, Jean-Marc Collienne, qui s’embarquent dans l’aventure sans savoir à quoi s’attendre, comme nous pouvons le lire dans cet article du Journal de l’Ile :

« Chez Antenne Réunion, petits moyens obligent, on n’est pas seulement rédacteur ou présentateur. On est journaliste reporter d’images (JRI) et on fait tout, de la prise d’images au montage, en passant par les commentaires. “C’était mieux que je ne sache pas ça avant de venir, admet Jean-Marc Collienne, sinon je crois que je n’aurais pas osé me lancer. Or ça s’est révélé une très bonne expérience[97] !"»

 

Le 18 mars 1991 à 19h30, Antenne Réunion diffuse son premier journal télévisé consacré en grande partie aux événements qui secouent l’île depuis deux mois. L’aventure commence réellement.

Antenne Réunion émet 2h10 de programmes quotidiens, complétées par les émissions cryptées que propose Canal Réunion. En plus du journal de 40 minutes et d’un magazine de 13 minutes, les téléspectateurs peuvent suivre deux séries américaines, « Ma sorcière bien aimée » et  « Cosby Show ». Christophe Ducasse explique le choix de cette dernière série : « Le Cosby Show ne connaissait pas encore le succès qu’il a rencontré par la suite, mais je l’ai choisi parce qu’il donnait une image très positive d’une famille multiraciale, ça me semblait intéressant à diffuser sur l’île. »

 

Selon le cahier des charge de la chaîne, 10% des émissions doivent être consacrées à la création locale et 1% du chiffre d’affaire annuel net doit être consacré à la promotion, à la production ou à la coproduction de manifestations culturelles en association avec des partenaires locaux ou régionaux. Ainsi, outre les informations quotidiennes, Antenne Réunion propose plusieurs magazines à périodicité variable. Elle diffuse quatre magazines hebdomadaires : « Run Sport », « Meca Run », « Run Foot » et « Rien que pour vos yeux »,  et deux fois par semaine, « Choco Animés ». Le magazine « Agriculture » est produit mensuellement par l’Association pour la promotion du monde rural. Enfin, le magazine « Réunion Longtemps » est un bimensuel consacré au patrimoine local et coproduit par le Conseil régional[98].  La chaîne se lance à la conquête des Réunionnais.

 

c)     La confiance des Réunionnais à gagner (public et annonceurs)

                                                                                                      

Si comme le souligne Jean-Marc Collienne, Antenne Réunion ne donne pas, au départ, une image aussi populaire que Télé Free DOM, qui venait de disparaître, la jeune équipe de journalistes va bénéficier assez vite d’un courant de sympathie. M. Collienne déclare : « Nous vivions l’expérience comme une bande de jeunes qui lancent une télé[99] », ce que le public réunionnais ressentira.

La chaîne mettra l’accent sur ce qui fait défaut à RFO et sur ce qui a manqué à Free DOM : la proximité, la culture réunionnaise et le professionnalisme.

 

            - la proximité

 

A une période où les Réunionnais revendiquent violemment leur droit de s’exprimer librement, la ligne éditoriale d’Antenne Réunion sera axée sur la valorisation du fait local. Le premier rédacteur en chef de la chaîne, Philippe Bes déclarait alors à la presse : « Nous aurons une ouverture obligée sur l’information nationale et internationale, mais surtout un maximum d’infos locales. Nous voulons faire une télé réunionnaise. Si RFO consacre vingt minutes au national et international et dix minutes au local, nous inverserons les proportions, sur une durée plus longue[100] ». La convivialité et l’accessibilité sont les maîtres mots de la toute jeune équipe. Plus de vingt-cinq ans après le discours d’inauguration d’Alain Peyrefitte,  la télévision est en passe de devenir le reflet de la société réunionnaise. Les promoteurs de la chaîne veulent l’orienter vers « plus de participation et de reflet de la vie locale, plus aussi d’émissions spécifiques telles que l’on n’en trouverait ni sur le premier ni sur le deuxième canal[101] ». Les quelques magazines diffusés par la chaîne sont effectivement consacrés à la vie de l’île et portent dans leurs noms cette identité : Run Sport (Run pour Réunion), Méca Run,… Ces noms se veulent aussi dynamiques et jeunes, à l’image de l’équipe de journalistes qui réalise ces émissions mais aussi, à l’image de la population réunionnaise, également très jeune (30% de 15-29 ans d’après le recensement effectué par l’INSEE en 1990).

 

- la culture réunionnaise

 

Antenne Réunion, au travers d’émissions telles que Réunion Longtemps, un magazine consacré aux traditions et à la façon dont vivaient les Réunionnais autrefois, se veut aussi vecteur de la culture locale. En cela, elle suit la volonté d’Eric Boyer, président du Conseil général depuis 1988, qui est de « promouvoir l’homme réunionnais et l’identité réunionnaise[102] ». Elément fort de la vie de l’île, le sport sera très présent sur Antenne Réunion. Les reportages à l’humour décapant de François Perraut sont le reflet du credo que la chaîne veut adopter : « Actualité, événements, passion[103]».

Dans les années 1990, grâce à l’impulsion nouvelle donnée par l’arrivée d’Antenne Réunion, la télévision devient un support pour l’affirmation de la culture réunionnaise[104].

 

            - le professionnalisme

 

Antenne Réunion fera la différence par le professionnalisme de ses journalistes, non par rapport à Free DOM mais aussi par rapport à RFO. En 1987, le rapport Pelchat mettait en avant les lacunes de la chaîne publique. D’une part, les équipes de RFO sont vues comme des fonctionnaires peu compétents et peu dynamique, d’autre part, on leur reproche aussi de trop nombreuses erreurs techniques et un mauvais habillage des émissions.

Dès le départ formés par des professionnels d’une grande école de journalisme, les journalistes d’Antenne Réunion sont polyvalents. Plusieurs membres de cette première équipe ont pu poursuivre leur carrière dans les médias nationaux comme Philippe Bes, devenu rédacteur en chef de LCI, Laurence Ostalza, présentatrice du JT de 13 heures sur France 2, Sébastien Folin, présentateur météo et animateur sur TF1, ou encore Christophe Gicqel, passé par Voyages, TMC et Canal +[105]. (dossier du Journal de l’Ile ).

 

- Un contexte concurrentiel

 

Forte de ces atouts, il reste à la chaîne à faire ses preuves. Camille Sudre n’a pas abandonné l’idée d’enterrer rapidement cette nouvelle rivale. Dès l’annonce du choix d’Antenne Réunion, il conteste juridiquement cette décision : selon Jean-Eric Bègue, « le cahier des charges n’envisage pas la possibilité pour les candidats à l’appel d’offres de mars 1990 de proposer un couplage avec une chaîne nationale[106] ». Le CSA est donc amené à lancer un nouvel appel à candidatures en juin 1992. Outre Antenne Réunion, sept autres projets sont présentés : TV4, Télé Arc-en-ciel, Télé Korail, Télé Océane, TV Sud, Sky Réunion et bien sûr, Télé Free DOM. Le Conseil régional (dont Camille Sudre est président depuis le 27 mars 1992 !) rend un avis favorable pour les huit dossiers.  A la surprise générale, le CSA accorde l’autorisation d’émettre à cinq de ces télévisions : Antenne Réunion, TV4, Télé Océane, TV Sud, et Télé Free DOM. Cette dernière ayant perdu un de ses émetteurs durant un cyclone ne sera en fait jamais relancée.

 

Antenne Réunion a toujours évolué dans un contexte concurrentiel. Mais déjà quelques semaines après son lancement, le CSA pouvait être fière de son choix et annonçait dans sa publication, La lettre du CSA, « Antenne Réunion : des débuts encourageants[107] ». L’article rapporte que d’après un sondage, commandé par la chaîne à la société France Marketing, celle-ci totalise 36,6% d’audience contre 74,8% au canal 1 de RFO (sur un échantillon de 700 personnes). De plus, son journal local de début de soirée, suivi par un téléspectateur sur trois, est plus apprécié par les Réunionnais que celui de RFO.

 

Pour Christophe Ducasse, cette réussite, « c’est la récompense de sacrifices personnels. Jacques de Chateauvieux et moi croyions dur comme fer à ce projet. Sans cette confiance mutuelle, cela n’aurait jamais pu se faire. C’était un pari fou et d’ailleurs, de nombreuses personnalités des médias nous tenaient plutôt des propos décourageants au départ. Il fallait garder le moral ! Mais le produit a bluffé beaucoup de monde, car il a été très pro dès le départ. Les téléspectateurs l’ont noté[108]. »

De toutes les chaînes autorisées en 1992, Antenne Réunion est la seule à continuer à vivre aujourd’hui. Voyons comment RFO, après de longues années d’indolent monopole, a vécu cette entrée en concurrence.

 

B.    Le service public face à la concurrence

 

            D’un entretien avec M. Rémy Tsang Hin Sun[109], aujourd’hui responsable des programmes et  de la production à RFO, il ressort que l’arrivée d’Antenne Réunion a été vécue de deux façons au sein de RFO. L’arrivée d’une concurrente sérieuse (Free DOM était une télévision pirate vouée à disparaître) a été perçue comme un nouvel enjeu mais l’ambiance dans les locaux de la station du Barachois a parfois été morose.

 

 

 

a)     Impulsion nouvelle à RFO…                           

 

            - Nouvelle dynamique

 

            L’ouverture du paysage audiovisuel réunionnais était fortement attendue à RFO. La chaîne souffre d’une image plutôt négative, non seulement depuis les événements du Chaudron et l’arrivée de Télé Free DOM sur les écrans réunionnais, mais aussi depuis le rapport d’information de l’Assemblée Nationale présenté par M. Michel Pelchat en 1987. Ce même rapport soulignait d’ailleurs déjà que l’émergence d’un secteur privé était nécessaire pour « faire naître une saine émulation, source d’émissions de qualité, et une abondance d’images, dont sont demandeuses les populations d’outre-mer[110]. »

 

L’arrivée d’Antenne Réunion, à RFO est vécue comme un coup de pied dans la fourmilière. M. Tsang Hin Sun avoue que la chaîne s’endormait sur ses lauriers : sans concurrent, sans l’attente toujours un peu stressante des résultats de Médiamétrie, les équipes manquaient certainement de motivation.  Il ajoute que les moyens ne suivaient pas toujours, non plus, pour satisfaire les attentes des Réunionnais. Les moyens humains, d’abord, car RFO étant la seule chaîne, il lui fallait couvrir tous les événements de l’île. Le retour de flamme était violent lorsqu’elle manquait à ses devoirs et les critiques pleuvaient. Et les moyens financiers d’autre part, car les budgets étaient décidés à Paris et répartis selon toutes les stations de RFO[111].

 

            - Evolution des programmes

 

            Concernant les programmes, RFO avait déjà enclenché une politique nouvelle avec la nomination de M. François Gicquel à la direction générale, en 1989. Accusée de faire de la télévision « néocoloniale », RFO met l’accent sur les émissions locales et par conséquent, étend le nombre d’heures d’antenne. La production locale passe globalement de 1 heure en 1989 à 2h30 en 1991, sur un volume de 12 heures de diffusion journalière. L'ouverture de l'antenne  se fait donc dès 9h30 ou 11h30, selon les jours. RFO est aussi à l’écoute des besoins des Réunionnais dans le domaine de la reconnaissance d’une identité réunionnaise. Avec l’émission « Midi à zot », le créole, longtemps banni de l’antenne, trouve sa place grâce aux deux animateurs, Jacky Grondin et Sylvie Poulain.

 

Parallèlement, un effort est fait pour améliorer l'information et un nouveau journal de 20 minutes est introduit à l'heure du déjeuner. Mais le bilan annuel pour l’année 1991 du CSA précise que « en revanche, la mise en forme du journal du soir demande des améliorations[112] ». C’est le moins que l’on puisse dire, si l’on considère que les informations régionales, nationales et internationales apparaissent pêle-mêle dans un journal composé par la station à partir des reportages locaux et de ceux envoyés par Paris.  

 

L’arrivée d’Antenne Réunion accentuera et accélérera ces développements nouveaux de RFO.

 

b)    … mais tout de même quelques ressentiments

                                                                                              

            - RFO, la tour d’ivoire

 

Le personnel de RFO souffrira tout de même de l’arrivée de cette sœur ennemie. RFO est comparée à une tour d’ivoire : depuis l’époque de l’ORTF, elle n’a pas réussi à se défaire de l’image d’une télévision réservée à une élite, inaccessible pour la majorité de la population. Rémy Tsang Hin Sun et avec lui tout le personnel de la station vivent ces accusations comme un dénigrement du travail accompli par RFO, de l’accompagnement et de la participation de la vie culturelle et quotidienne de l’île. RFO avait tout de même permis le lancement de nombreux artistes. Elle avait accompagné l’ascension de nombreuses personnalités politiques. Pour M. Tsang Hin Sun, « on a reproché à RFO de ne pas avoir été proche de la population, de ne pas avoir assez donné la parole à la population réunionnaise, de ne pas avoir été le reflet de la culture locale. Cependant, un simple coup d’œil aux archives montre que les traits ont été grossis[113]. » Ainsi, lors de la diffusion de l’émission « C’était hier » à l’occasion des quarante ans de la télé réunionnaise, les téléspectateurs ont pu voir les images d’agriculteurs sur leurs exploitations, images de La Réunion profonde que l’on reprochait injustement à RFO de ne pas avoir montrées. M. Tsang Hin Sun n’en revient toujours pas de la réaction des téléspectateurs qui ont appelé, ravis, après la diffusion de l’émission : « Plusieurs personnes m’ont dit "On ne savait pas que vous aviez ce genre d’images[114] !" »

 

Le discours et les choix éditoriaux de M. Jean Vincent-Dolor ont sans doute été pour beaucoup dans la construction de cette image négative du service de télévision publique à La Réunion. D’autant plus que les vieilles rancoeurs politiques (Rappelons que le PCR a longtemps été interdit d’antenne) ont la dent dure ! La population entretient aussi quelques rancunes : le fait d’exclure le créole de l’antenne était vécu comme un mépris de la culture locale.

 

M. Tsang Hin Sun diminue le rôle de M. Vincent-Dolor : « C’était pour des raisons d’échanges et de coopération entre RFO Réunion, les autres stations de RFO  et la métropole qu’il était nécessaire que les personnes interviewées s’expriment en français. » Il ajoute que les méthodes d’éducation de l’époque nous semblent aujourd’hui choquantes car selon lui, « on voulait aller vite au niveau des évolutions. Mais dans le contexte post-colonial des débuts de la télévision, ces méthodes étaient banales[115]. »

 

Son point de vue doit tout de même être relativisé car si ces pratiques étaient tellement considérées comme normales, le peuple réunionnais n’aurait peut-être pas ressenti le besoin de se révolter pour exprimer leur rejet de telles méthodes.

 

De façon générale, le service public souffre d’une image négative en France et dans les DOM. Cependant, le service public cultive lui aussi une mauvaise réputation du secteur privé. Au début des années 1990, nous pouvions lire dans les pages du Monde : « Les télévisions privées sont, par nature, des bulldozers majoritaires qui enferment les minorités dans des ghettos de programmation. Il y a là quelque chose d'antidémocratique face auquel " La marche du siècle ", "Thalassa " ou " Envoyé spécial " par exemple, programmés sur des chaînes publiques aux heures de grande écoute, sont des espaces de libertés et de culture[116]. » A La Réunion, Antenne Réunion était encore loin d’être un bulldozer en 1991. Mais par la volonté de ses promoteurs et de son équipe, la chaîne conquerra rapidement son public. Le consensus Antenne Réunion / Canal Plus permet au départ le démarrage de la chaîne, tout en élargissant l’offre d’images des Réunionnais.

 


           II.      Le passage en canal seul, nouvelles épreuves pour la toute jeune chaîne

 

               Dès sa création, Antenne Réunion aspire à devenir une chaîne de télévision à part entière. Si, comme nous l’avons vu, partager les fréquences de Canal Réunion a permis le lancement de la chaîne locale, une évolution s’impose : avec seulement quelques heures de programmes, il devient difficile d’attirer les annonceurs et l’audience ne peut pas progresser. Mais mesure-t-on réellement à Antenne Réunion l’ampleur d’un passage en canal seul ? Bien que l’aspect économique semble prendre le pas sur l’aspect politique, au début des années 1990, Antenne Réunion a encore bien des batailles à mener sur les deux fronts pour pouvoir assurer sa survie.

 

  1. 1994 : L’année du tournant décisif

                                           

a)     Les moyens sont-ils à la hauteur des aspirations de la chaîne ?

                             

            - Les deux premières années de fonctionnement : la douche froide 

              

A son lancement, comme nous l’avons vu dans la partie précédente, Antenne Réunion disposait d’environ deux heures d’antenne : sur les coups de 18h, Canal Réunion interrompait ses émissions et laissait place aux programmes de sa « petite sœur ». Progressivement, ce nombre d’heures est augmenté et la chaîne parvient à 3h15 d’antenne. Les différentes enquêtes menées à l’époque créditent la chaîne d’un fort succès auprès des téléspectateurs réunionnais : le taux d’initialisation de la chaîne atteindrait des records puisque 90% des personnes interrogées déclarent connaître Antenne Réunion[117]. Aussi, les autorités audiovisuelles ont confiance en l’avenir de la chaîne. En juillet 1992, le CSA accorde à Antenne Réunion sept nouvelles fréquences.

 

Toutefois, les premières difficultés financières ne tardent pas à venir assombrir les perspectives de développement de la chaîne. C’est la douche froide, selon les propres termes de M. Jacques de Chateauvieux[118], actionnaire principal de la chaîne. Le groupe Bourbon que ce dernier dirige, a porté pendant longtemps la chaîne à bouts de bras. Les employés d’Antenne Réunion ont même, pendant la période de lancement de la chaîne, été payés avec des chèques du groupe. Mais il s’est rapidement avéré que les charges liées au fonctionnement de la chaîne étaient beaucoup trop lourdes par rapport aux rentrées publicitaires. Et ce malgré le décret n° 98-280 du 27 mars 1992 qui, afin d’assurer la viabilité des télévisions privées, autorise la diffusion de publicité pour la grande distribution locale dans les DOM.

 

Jacques de Chateauvieux déclare à Jean-Eric Bègue : « On perdait beaucoup d’argent, mais les gens ne voulaient pas que cela s’arrête[119]». Toujours selon M. de Chateauvieux, aucune étude de marché n’avait été réalisée avant le lancement d’Antenne Réunion. Cela explique peut-être que les banques n’aient pas suivi Antenne Réunion à ses débuts. Le groupe de M. de Chateauvieux investit tout de même près de vingt millions de francs dans la chaîne. La personnalisation est telle dans l’esprit des Réunionnais qu’ils surnomment Antenne Réunion « Télé Chateauvieux ». Celle que Camille Sudre dénonçait comme « la télé pour les riches » commence pourtant à trouver sa place dans le paysage audiovisuel local.

 

1993 est donc l’année des grands questionnements: si d’une part, Antenne Réunion lance de nouvelles productions locales (en mars) qui semblent avoir du succès puisque Médiamétrie crédite la chaîne d’une audience de 20% deux mois plus tard, d’autre part, elle s’embourbe dans des difficultés financières. Celles-ci sont telles qu’elles ont failli mener Antenne Réunion à sa perte : on en arrive au dépôt de bilan. Antenne Réunion cumule déjà 15 millions de francs de déficit, soit 2,29 millions d’euros. C’est surtout envers le Conseil Général qui lui loue son outil de production et ses locaux (la SEMPA), que la chaîne a la plus grosse dette. Tous semblent pourtant vouloir faciliter les choses à la télévision privée car en novembre 1993, le Conseil Général décide d’étaler la dette sur cinq ans. Ce n’est qu’un petit soulagement, puisqu’il faut désormais trouver une solution pour gagner de l’argent.          

 

1993 est également l’année de l’arrivée des programmes de TF1 sur Antenne Réunion[120]. Aucun contrat ne lie encore les deux chaînes. Les dirigeants d’Antenne Réunion pressentent sans doute l’enjeu qu’il y a à commander des programmes à la chaîne privée nationale quand on sait que RFO peut y puiser gratuitement et prioritairement les programmes de son choix !

 

- Les étapes vers le plein exercice

 

Les programmes et les productions d’Antenne Réunion s’étoffent petit à petit. Cependant, il devient difficile à la chaîne d’exprimer une ligne d’éditoriale dans le contexte de partage d’un même canal avec la chaîne payante Canal Réunion. Par ailleurs, au niveau de l’audience, et par conséquent des retombées publicitaires, la chaîne semble avoir atteint un point de saturation. Avec le soutien des  parlementaires, la direction annonce donc en août 1994, le passage de la chaîne au plein exercice dès le 26 septembre de la même année. Pour Bruno de Chateauvieux, qui succède à Christophe Ducasse à la direction d’Antenne Réunion, « le fait de partager l’antenne avec Canal Plus créait une confusion dans l’esprit des téléspectateurs, qui ne savaient plus ce qui était de notre fait, ou ce qui appartenait à Canal Plus en clair… Là, nous aurons douze heures sur un autre canal, gratuit, en clair, avec notre programmation[121]. ».

 

En juin 1994, c’est la première étape du passage en plein exercice lorsque le CSA accorde six nouvelles fréquences à Antenne Réunion, lui permettant ainsi d’étendre sa couverture à 90% de la population réunionnaise. Tout au long de l’année 1994, la classe politique comme les parlementaires affichant leur soutien au passage en canal propre, les annonceurs donnent peu à peu leur confiance à la chaîne. Ils savent également que Jacques de Chateauvieux soutient la chaîne financièrement. Bruno de Chateauvieux voit l’avenir en rose : « Notre couverture a doublé, l’impact psychologique va être fort, sur les annonceurs et le public[122]. ». Selon les journalistes du Quotidien, « l’effet s’est déjà fait sentir : les recettes publicitaires ont augmenté de 100% lors du premier semestre de cette année», ce qui, pour Bruno de Chateauvieux, « confirme la crédibilité de notre support auprès des annonceurs et des agences de publicité[123]. » La presse locale, qui a pourtant tu les difficultés que traversait Antenne Réunion, se fait l’écho de la réussite de la chaîne : « De part d’audience en part d’audience, "Antenne" va de succès en succès […] Colgate, Unilever, L’Oréal sont séduits par le concept. Mais seul le plus gros "lessivier" de la planète, Procter & Gamble, fait montre de scepticisme et préfère attendre le plein exercice[124]. "

 

            - Les attentes des dirigeants d’Antenne Réunion

 

               Le passage au plein exercice sera-t-il suffisant pour redresser la barre à Antenne Réunion ? Bruno de Chateauvieux compte sur l’aide des collectivités qui aurait promis huit millions de francs. Il déclare à la presse : « Reste aux collectivités locales à honorer leurs promesses : trois millions de francs d’achat, cinq millions de francs de production, tels étaient les engagements prévus par la Région et le Département à l’origine du démarrage de notre chaîne. Ces engagements ont été tenus partiellement par le département, la Région n’a quant à elle pas encore arrêté ses orientations en matière de communication[125]. »

 

M. Guy Jarnac, vice-président au Conseil régional et délégué aux technologies de l’information et de la communication et à l’audiovisuel, Freedomien convaincu (et à l’époque conseiller des époux Sudre en matière de communication), désapprouve aujourd’hui les propos de M. de Chateauvieux. Pour lui, Antenne Réunion bénéficiait déjà d’une aide considérable du Département au travers de la SEMPA. Quant à la Région, pour lui, elle n’avait, et n’a aujourd’hui encore, en aucune façon à intervenir dans le financement d’une chaîne privée. Pourquoi, en effet, des fonds publics viendraient-ils alimenter une entreprise privée ?

 

Indirectement, la solution pour la survie d’Antenne Réunion est pourtant venue de M. Jarnac et de la Région Réunion. En effet, pour parvenir au plein exercice, la chaîne a dû gagner deux batailles contre RFO.

 

b)    Les premiers combats contre les privilèges de RFO

 

            - L’amendement Péricard

 

            Le développement d’Antenne Réunion se fait, au cours de cette période, au détriment du service public. L’horizon déjà sombre de RFO depuis les événements du Chaudron semble encore s’obscurcir.

 

En 1993, bien que le RPR ait prôné une politique de décentralisation dans les DOM, le député RPR de Saint-Germain-en-Laye, Michel Péricard, propose un amendement qui sera fort mal accueilli au sein de la station. Il s’agit d’une remise en cause du statut de RFO. Pour M. Péricard, il serait nécessaire de rattacher la chaîne à France 2 et France 3. En contrepartie, RFO aurait plus d’autonomie en matière de programmation et d’embauches. Dans un article du Quotidien, le député explique que « La vocation de RFO est de devenir "une fédération de stations régionales" plutôt qu’une chaîne nationale […]. Le siège central serait "réduit à la coordination administrative et financière"[126] ».

 

Du côté de RFO, cet amendement est presque immédiatement dénoncé comme une attaque personnelle contre le PDG de la chaîne, François Gicquel, dont le poste, si rattachement aux deux autres chaînes nationales il y a, est évidemment voué à disparaître. Le comité d’établissement de RFO Guadeloupe déclare ainsi : « Cet amendement n’est que le moyen décidé par certains pour régler leurs comptes avec le PDG François Gicquel[127] ». François Gicquel, proche de l’ancien gouvernement socialiste, avait été nommé à la tête de RFO en 1989 par le CSA, qui a renouvelé sa nomination en 1992. En réaction à l’amendement proposé par M. Péricard, M. Gicquel envoie une lettre aux députés le 30 novembre 1993 dans laquelle il expose son point de vue. Si l’amendement semble à premier abord de nature « anodine », puisqu’il ne fait que supprimer une présidence autonome au profit d’une présidence commune, justifiée « par un souci de cohérence (RFO fait partie du service public comme France 2 et France 3) et par une volonté de briser l’isolement de l’outre-mer (les programmes et les personnels circuleront mieux) », ces « apparences » auraient en fait des effets néfastes à moyens termes[128].

 

            - Le problème de l’accès aux programmes de TF1

 

Ce que François Gicquel défend bec et ongles c’est bien sûr son poste, mais l’amendement touche également un dossier sensible du service public : il est question d’en finir avec un « privilège hérité du passé[129] », à savoir l’accès gratuit et prioritaire de RFO aux programmes de TF1. Si cet avantage était normal avant 1986, alors que TF1 faisait encore partie du service public, il aurait dû être aboli lors de la privatisation de la chaîne. Mais jusqu’à 1993, la grille de programmes du premier canal de RFO est toujours composée d’un certain nombre d’émissions de la chaîne privée nationale. Et les programmes de TF1 sont générateurs d’audience, François Gicquel ne le sait que trop bien. Dans sa lettre aux députés, en date du 30 novembre, il rappelle que « les programmes de France 2 sont six fois moins regardés que ceux programmés directement par RFO sur le premier canal dont la grille est composée d’émissions de TF1 et de France 3[130]. ». Avec l’amendement Péricard, M. Gicquel argumente que 40% des téléspectateurs des DOM n’auront plus accès aux images de TF1. Il ajoute « Il est bien évident […] que TF1 refusera de livrer des programmes à une société faisant partie d’un groupe directement concurrent du sien en métropole, et considèrera que les termes de la loi de privatisation ne sont pas respectés[131]. »

 

Précisément, à La Réunion, il est évident que cela entrave le libre jeu de la concurrence et peut faire obstacle à la montée d’Antenne Réunion. A son tour, Christophe Ducasse écrit aux députés :

« Antenne Réunion couvre aujourd’hui 90% de l’île, par le deuxième canal de TDF. Il en va de même pour TCI, la chaîne privée d’Antilles - Guyane, ou pour RRB de Nouvelle-Calédonie qui commencera à émettre dans quelques semaines. Et je ne vois pas de raison que RFO ne continue pas à émettre les programmes de TF1 là où il n’y a pas de chaîne privée, comme c’est le cas à Wallis et Futuna. Quand François Gicquel parle de satisfaction des téléspectateurs, cela me fait rire. Si RFO n’est plus autorisée à diffuser les images de TF1, elle proposera plus d’images de France 2 et France 3, et le public y gagnera[132]. »

 

La cause est juste mais RFO bénéficiera de quatre mois de sursis : l’amendement Péricard, à la surprise générale, est différé. Pour que soient pesés le pour et contre, une mission d’information est créée dans le but d’enquêter puis d’établir un rapport sur la situation de RFO. Il n’en est pas encore fini des « émissions "congelées", c'est-à-dire réservées par RFO sans être obligatoirement diffusées[133] ». 

 

            - La suppression de la publicité sur le deuxième canal de RFO

 

            En revanche, l’autre bataille d’Antenne Réunion contre RFO se verra couronnée de succès. En novembre 1993, le ministre de la communication, Alain Carignon, annonce une suppression progressive de la publicité sur le canal 2 de RFO. Le décret du 30 avril 1994 fixe que, à compter du 1er juillet 1994, la chaîne publique n’aura plus accès aux recettes publicitaires de la distribution sur son deuxième canal qu’elle utilisait pour la retransmission des programmes de France 2. Antenne Réunion et les autres médias privés de l’île espèrent bien bénéficier d’un nouveau partage du « gâteau » publicitaire.

 

- La nouvelle grille d’Antenne Réunion 

 

Forte de cette victoire et espérant toujours ébranler les privilèges de RFO concernant les programmes de TF1, Antenne Réunion annonce les couleurs de sa nouvelle grille dès le 12 août 1994 via un petit film diffusé sur le canal 28 : elle sera « fortement teintée TF1[134] ». Toutefois, Bruno de Chateauvieux déclare : « Nous allons donner plus d’ampleur aux émissions locales, qui étaient étriquées par des impératifs horaires[135]. » Parmi les nouvelles productions locales, quelques rendez-vous se détachent  comme « Point de vue », un programme hebdomadaire de 26 minutes dans lequel un décideur local fait face aux questions d’un journaliste, « Ici et maintenant », le rendez-vous mensuel de la rédaction traitant d’un fait de société de l’île et de la zone, ou encore « SQQC » (Samedi quelque chose) présenté comme « l’impertinence en direct le samedi ».

 

Encensée par les uns, critiquée par les autres, cette nouvelle grille fait couler de l’encre tant dans la presse locale que dans la presse nationale. Le journal Le Monde fait plutôt partie des « admirateurs » : « […] plateau bleu design, présentateur du JT sportivement juché sur un tabouret, Antenne Réunion se donne les armes pour conquérir ce public. Programmes locaux et émissions de TF 1 - "Coucou c'est nous", "Premiers baisers" et "Auto moto" - s'enchaînent sans heurt. L'habillage a été revu pour mieux s'adapter au nouveau partenaire[136]. »

 

Dans les pages du Quotidien, la grille d’Antenne Réunion est plutôt bien présentée. Le fait que les programmes de TF1 y apparaissent en nombre est vu comme plutôt positif : « […] on aura droit par exemple au journal de 20 heures en direct à 22 heures ou à 23 heures selon le décalage horaire[137]. » Le journal rassure même les téléspectateurs : « Mais que les Réunionnais ne s’affolent pas : ils retrouveront le style dynamique qui les a attiré vers la chaîne privée, avec sa volonté de jouer la carte de la proximité[138]. »

 

Le ton est un peu différent dans le Journal de l’Ile. Bruno de Chateauvieux, répondant à une interview, se fait un peu malmener par la  journaliste qui l’interroge. Ce dernier fait comprendre au directeur de la chaîne privée que des séries telles que « Hélène et les garçons » n’offrent pas vraiment quelque chose de « différent » aux téléspectateurs réunionnais. Or, le créneau de la différence est justement celui que revendique Antenne Réunion. Bruno de Chateauvieux répond à cette attaque en mettant en avant l’origine de ses programmes : « C’est de la production française [...] pour faire face à l’invasion américaine qu’on trouve "en face"[139]. »

Au lendemain du passage en plein exercice d’Antenne Réunion, le Journal de l’Ile reste critique soulignant les ressemblances des deux grilles, celle du service public et celle du secteur privé : lorsque l’une diffuse la série « Amour, Gloire et Beauté », l’autre offre à ses téléspectateurs « Côte Ouest » ; à l’heure où le public réunionnais peut regarder le journal de Patrick Poivre d’Arvor sur Antenne Réunion, il peut zapper sur le canal 2 RFO pour suivre celui de Etienne Lenhardt. Les limites de la concurrence sont atteintes lorsque les deux chaînes choisissent de diffuser le même programme : « La télé, c’est super. Mais c’est génial quand RFO choisit de diffuser Télé Foot le dimanche, déprogrammé le lundi, pour griller Antenne Réunion, qui, elle aussi, a choisi d’offrir aux Réunionnais l’émission de Thierry Roland en fin d’après-midi. » Et le journaliste de conclure : « Voilà… Depuis hier les Réunionnais ont cinq chaînes. Les annonceurs aussi. Et ce matin, RFO présente les "nouveautés" du service public. Nul doute que les nouveautés auront un goût de réchauffé. A moins que le service public, répondant aux appels du privé, montre que l’entente sur les programmations s’impose et qu’elle devient une priorité pour que les Réunionnais n’aient pas l’impression de n’avoir qu’un seul canal[140]. » 

Antenne Réunion « à la sauce TF1 » cela peut être bien, à condition que le service public se nourrisse des programmes des chaînes publiques nationales. Une situation conflictuelle qui n’est pas prêt de prendre fin…

 

  1. 1996 et 1998 : Antenne Réunion face à la crise

 

a)     1996, le Front des ondes réunionnaises contre les avantages des médias publics

                            

            - Les formes de la contestation

 

            Malgré une amélioration de la situation à l’annonce de la suppression progressive de la publicité sur le deuxième canal de RFO, en 1996, Antenne Réunion est à nouveau dans le rouge : son ardoise s’élève à 12 millions de francs (1,83 millions d’euros). Mais la télévision privée n’est pas la seule à avoir des difficultés à survivre : de nombreuses radios privées de l’île sont dans la même situation. Le service public est à nouveau montré du doigt…

 

Le 1er janvier 1996, une grande partie des médias privés de l’île trouveront une forme de contestation  originale :

« Et voilà. Ce qui devait arriver arriva. RFO, depuis hier et pour une durée qui ne dépend que du gouvernement, a retrouvé son monopole. Antenne Réunion, TV4 et vingt-six des quarante-six radios locales diffusent un programme commun, soutenu par des "télé-doléances" d’un nouvel âge. Hier soir donc, à partir de 19h30, les téléspectateurs ont eu la surprise de voir ou d’entendre les adhérents du Syndicat des professionnels de l’audiovisuel de la Réunion (SPAR) s’exprimer sur cette démarche commune menée contre le service public. Le débat achevé, télés et radios diffuseront image et son du premier canal de RFO, symbole de l’absence de pluralisme[141]. »

 

Quelques uns verront dans cette « grève des ondes », un combat de plus d’Antenne Réunion contre RFO. Pourtant, créé dès 1994, le SPAR fait siennes les revendications de la chaîne privée et se bat à ses côtés pour obtenir des autorités ce que seule elle ne parvenait pas à avoir. Les négociations n’aboutissant pas,  « le SPAR a donc décidé de sensibiliser l’opinion publique, souhaitant que des décisions urgentes soient prises[142]. » Un Front des ondes réunionnaises (FOR) se constitue pour dénoncer la précarité du secteur audiovisuel local. Leur logo représente un individu bâillonné. Le message est clair : les médias privés réunionnais n’ont pas les moyens de s’exprimer. Le manque de moyens entrave la liberté d’expression : le combat est donc à la fois économique et politique.

 

            - Les revendications

 

            Une délégation du FOR, dont fait partie Bruno de Chateauvieux, se rend à Paris pour exposer leurs revendications. Partant du constat qu’aucun média privé « ne peut vivre à La Réunion sans que soit modifié le cahier des charges de RFO », « la mesure concerne en premier lieu le marché publicitaire et le droit donné à RFO de diffuser de la publicité sur des programmes qu’elle ne produit pas[143]. »

Les revendications sont au nombre de cinq : le FOR veut obtenir la suppression de toute publicité sur le second canal de RFO, la réduction des tarifs de diffusion pratiqués par TDF, la révision à la baisse des taux de prélèvement de la SACEM, l’interdiction pour RFO d’utiliser les programmes des télévisions privées (notamment TF1) et enfin, le versement de primes d’installation et de fonctionnement aux radios associatives. Au départ, Antenne Réunion souhaite même le retrait de la publicité sur les deux canaux de RFO télévision. Cependant, face aux accusations de certains de vouloir substituer un monopole privé à un monopole public, Bruno de Chateauvieux intervient : « Très sensibles à l’argument que supprimer la publicité sur le premier canal (et le second) de RFO reviendrait à passer d’un monopole du service public à un monopole privé, nous abandonnons cette revendication[144]. »

 

Au sein même du FOR, il existe quelques désaccords. Le front n’est pas si uni car les différents médias réalisent parfaitement que supprimer la publicité sur RFO n’aboutira pas à une répartition parfaite des recettes entre eux. En 1996, le marché publicitaire réunionnais atteint 180 millions de francs répartis de la façon suivante : la télévision se taille la part du lion avec 60 millions de francs, les tracts et autres catalogues récoltent 50 millions de francs, la presse quotidienne, 37 millions de francs, les radios,  20 millions de francs, l’affichage, 17 millions de francs et enfin, la presse magazine, 2 millions de francs. Les principales ressources publicitaires des médias locaux proviennent de la publicité pour la distribution. Comme le souligne un journaliste du Journal de l’Ile, « les annonceurs n’achètent pas un média mais de l’audience[145] ». Par conséquent, les petites radios associatives risquent de ne pas bénéficier de cette mesure. Pour Mario Lechat, membre de la FAR (Fédération des radios associatives), « si demain RFO n’avait pas de publicité, les annonceurs se tourneraient vers la presse ou l’affichage. Car il faut se dire que RFO, même sans publicité, fera toujours la même audience[146]. ». Du côté des annonceurs, on affirme : « Nous serions autant désolés de la disparition de la publicité sur RFO que de la disparition d’Antenne Réunion[147]. »

 

Du côté de RFO, les dirigeants sont à l’écoute des revendications du FOR. Concernant l’autre cheval de bataille d’Antenne Réunion, c’est-à-dire l’accès de RFO aux programmes de TF1, le PDG de la chaîne publique, Gérard Bélorgey est étonnamment conciliant : « J’accepte la logique, à la télé publique, images publiques. Je suis donc pour le retrait de TF1 des écrans de RFO[148]. ». Il admet même : « Je n’ai pas besoin des programmes de RFO mais je les reprends parce qu’ils font de l’audience[149]. »          

 

Il faut dire que la meilleure attitude à adopter à RFO est sans doute la conciliation car tous s’insurgent contre l’augmentation de budget de la chaîne de 3%, qualifiée de provocation par certains politiques. Camille Sudre, qui entre un peu à contre cœur dans le débat, dénonce que : « RFO est très mal gérée […], qu’elle est la télévision la plus chère et la moins créative […] que RFO Télé et Radio n’ont pas besoin de la publicité pour vivre[150]. ».

 

            - Les soutiens

 

            Antenne Réunion et le FOR, dans leur combat, bénéficient d’un important courant de sympathie de la part de la population réunionnaise : quinze mille personnes ont signé la pétition lancée par les « bâillonnés ». Les Réunionnais font encore une fois la démonstration de l’importance de la petite lucarne dans les foyers de l’île. Pour défendre leurs médias, ils ont choisi cette fois une voie plus « diplomatique » que lors des tragiques incidents du Chaudron, ce qui ne signifie pas qu’ils tiennent moins à Antenne Réunion qu’à Télé Free DOM. Peut-être que cette fois-ci, ils ont plus confiance en leurs élus pour sauver leur télévision ? D’ailleurs,  de nombreuses personnalités politiques locales et nationales affichent leur soutien. Le Conseil régional, au travers de M. Guy Jarnac, se montre particulièrement actif. M. Jarnac participera d’ailleurs aux négociations à Paris auprès du ministre de l’outre-mer, Jean-Jacques de Peretti. Ce dernier selon M. Jarnac « a été un interlocuteur très positif » car il a su faire fi du fait que RFO constituait « un Etat dans l’Etat », un instrument au travers duquel le gouvernement faisait passer ses messages dans les DOM. Les propos de M. Jarnac révèlent sa position très anti-RFO et sont donc parfois à relativiser. Aujourd’hui encore, il se dit « banni » de l’antenne de RFO ! Comme nous l’avons déjà souligné, il est un free domien convaincu. Pour lui, avec l’accession des Sudre au Conseil régional, « le pouvoir de persuasion est passé de la rue à la Région ». C’est ce pourquoi, les médias réunionnais seraient parvenus à se faire entendre auprès des autorités parisiennes[151] : la survie de la télévision privée se serait jouée dans les couloirs de la Région et du ministère de l’outre-mer. Il faut dire aussi que les événements du Chaudron sont encore très présents dans les esprits et que l’on craint de nouveaux débordements, notamment au CSA.

 

            - Les victoires

 

            Aussi, après douze jours de débats et de négociations, le Journal de l’Ile titre en Une : « Le FOR a gagné[152] » (JOURNAL DE L’ILE  12/01/1996). Selon le journal c’est une victoire « sur toute la ligne » que les médias réunionnais ont remporté : « Le gouvernement a ainsi décidé de supprimer dans les prochains jours la publicité sur le deuxième canal de RFO télé. Même punition pour la radio avec un délai accordé de quelques mois […]. En ce qui concerne l’accès gratuit de RFO aux chaînes de télévisions privées, notamment TF1, le ministre de Peretti s’est engagé à réduire "dans des proportions importantes dès 1996" ce privilège inscrit dans le cahier des charges[153] ». Les radios associatives obtiennent les primes réclamées. Et concernant la baisse des coûts de transmission de TDF, M. de Peretti a commandé un audit.

 

L’équipe d’Antenne Réunion et le SPAR poussent « un énorme ouf de soulagement », tandis que le Conseil régional estime que « désormais, toutes les conditions économiques sont réunies pour que les radios privées puissent vivre dans un secteur d’activité où la concurrence, avec un service public indispensable, sera saine et loyale. L’existence des radios et télévisions privées ne dépend plus que de la compétence de leurs dirigeants[154]. » La balle est désormais dans le camp d’Antenne Réunion…

 

 

 

b)    1998, le temps des ennuis financiers    

 

            - Antenne Réunion vouée à disparaître ?

 

Deux ans après la « grève des ondes », Antenne Réunion n’a pas réussi à améliorer sa situation financière. Malgré une constante progression de l’audience et des recettes publicitaires, le directeur d’Antenne Réunion, qui est alors Thierry Michaud, constate que « notre position est fragile, difficile même. Le dépôt de bilan est envisageable. Il ne s'agit pas d'une fatalité. Un redressement judiciaire pourrait être synonyme d'une amélioration de notre situation financière; mais il nous imposerait un plan et un échéancier rigides auxquels il nous faudrait impérativement souscrire[155]... »

 

Après sept ans de fonctionnement, les scores d’audience de la chaîne privée montrent qu’elle est parvenue à se faire une place dans le cœur du public réunionnais avec 40,1% d'audience quand le premier canal de RFO, avec des moyens incomparables, fait 46%. Cependant, aucune solution pour rendre l’entreprise viable n’a encore été trouvée. Le bilan de l’année 1997 est catastrophique : les 8 à 10 millions de francs de pertes de cet exercice viennent s’ajouter aux 35 millions de passif « qu'Antenne Réunion traîne comme un boulet depuis plusieurs années[156]. » Sont mis en cause, essentiellement, des problèmes « structurels ». Selon M. Michaud : la chaîne doit 2,8 millions de francs à la SACEM au titre des droits d’auteur, 1,6 millions de francs de loyer à la SEMPA et ne s’en sort pas avec les coûts de diffusion et de satellite qui représentent 20% de leur budget annuel.

 

Au mois de février 1998, le couperet tombe : les actionnaires de la chaîne ont décidé de déposer le bilan afin qu’une procédure de redressement judiciaire soit ouverte. Bien que Jacques de Chateauvieux affirme avoir des liens « affectifs[157] » avec la chaîne, son groupe se recentre sur ses activités (le sucre) et ne peut pas voler au secours d’Antenne Réunion.

 

Les médias locaux s’émeuvent : avec la disparition d’Antenne Réunion, une menace plane sur le pluralisme de l’audiovisuel réunionnais[158]. Pour que le service public ne retrouve pas le monopole qui lui avait été si difficilement arraché, tous se mobilisent… encore une fois.

                                 

            - Un chaîne populaire

 

            Les salariés de la chaîne sont les premiers à organiser le « sauvetage » de la télévision privée en créant un comité de soutien. Les propos de l’un des responsables de ce comité, Jérôme Robert, illustrent l’attachement des employés de la chaîne, mais aussi des téléspectateurs à ce média : « On veut d'abord soutenir notre instrument de travail à notre façon et puis se donner les moyens de répondre aux demandes et réactions de soutien des téléspectateurs qui ont été nombreux à nous appeler. Certains sont prêts à organiser des galas ou kabars pour nous, d'autres à donner de l'argent [159]». Pour le comité, le but est de tout faire « pour que la télé vive[160] ». Soirées, autocollants arborant le slogan « Antenne Réunion, j’y tiens ! », tout est fait pour « qu'un maximum de Réunionnais adhèrent à notre combat. Il n'y que comme ça qu'on pourra s'en sortir[161] ». Les entreprises réunionnaises s’associent au mouvement de solidarité qui se met en place en parrainant les manifestations organisées par le comité.

 

Mais la mobilisation de certains n’est pas totalement dépourvue d’intérêt. Les candidats en lice pour la reprise de la chaîne sont nombreux. Le monde médiatique est intéressé : Maximin Chane Ki Chune (propriétaire de plusieurs titres de presse et d’une radio) ou encore le groupe Havas ont été contactés.

Si les acteurs économiques redoutent quand même de reprendre une entreprise privée comme Antenne Réunion, qui n’a jamais enregistré de bénéfices, le sort de la chaîne fait désormais partie des enjeux politiques. Au Conseil régional notamment, la bataille s’annonce rude comme le laisse prévoir cet article paru peu après les élections à la présidence de la Région : « La nouvelle équipe dirigeante donne l'impression de vouloir s'offrir Antenne Réunion. Le match n'est pas gagné d'avance. […] Durant la semaine précédant l'élection du président du Conseil régional, le sort d'Antenne Réunion a été à plusieurs reprises évoqué par les cinq groupes politiques de la Région. Connaissant l'affection que porte Camille Sudre à la télévision, on peut aisément imaginer combien les discussions ont été animées dans les couloirs des tractations[162]. » Le projet de la Région est en fait de créer une télévision sur laquelle elle aurait mainmise pour, par exemple, « diffuser librement les débats politiques[163] ».Toutefois, personne n’a intérêt à ce qu’Antenne Réunion disparaisse, ce qu’exprime ainsi Camille Sudre : « Ce serait très grave si Antenne Réunion était amenée à disparaître. D'autant […] que si elle disparaît du paysage audiovisuel réunionnais, on pourrait reprocher à la nouvelle majorité régionale de n'avoir rien fait pour empêcher ce drame[164]. »

 

            - Les solutions à la crise

 

            Contrairement à ce qui a pu se passer en 1994 et en 1996, le politique tiendra un rôle moindre dans la résolution des problèmes d’Antenne Réunion. Les dirigeants de la chaîne mettent d’ailleurs en exergue que, en tant qu’entreprise privée, « nous sommes totalement indépendants sur le plan politique, nos règles sont à 100% économiques, ce qui exclut toute soumission politique[165]. »

 

Antenne Réunion connaîtra tout de même vingt mois de redressement judiciaire. En février 1998, le conseil d’administration de la chaîne décide de déposer le bilan au tribunal de commerce pour lancer une procédure de redressement judiciaire. A l’issue d’une période d’observation de quatre à six mois, sera décidé un plan de continuation, un plan de reprise, la liquidation de l’entreprise ou le prolongement du délai. Au cours de cette première période du redressement judiciaire, le Conseil général, sous la présidence de Jean-Luc Poudroux, discutera d’un projet qui améliorerait considérablement la situation d’Antenne Réunion : la prononciation de la liquidation de la SEMPA. La société créée par le Conseil général accuse en effet un déficit de 18 de francs car Antenne Réunion s’est déclarée en cessation de paiement depuis février 1998. Malgré les réticences de nombreux élus, la proposition est votée. 

 

En août 1998, alors que le tribunal de commerce vient d’accorder à Antenne Réunion un nouveau sursis de six mois, les actionnaires de la chaîne opte pour une stratégie : se recentrer sur les activités de programmation et ne produire que son journal télévisé. Auparavant, la production de nombreuses émissions était intégrée à l’entreprise. Pour alléger ses frais de fonctionnement, Antenne Réunion choisit d’externaliser : les anciens collaborateurs de la chaîne s’installent en tant qu’intermittents du spectacle. La sous-traitance de l’activité de production permet de faire des économies mais, alors que le redressement judiciaire de la chaîne touche à sa fin, une douzaine de personnes sont tout de même licenciées.

 

Au cours de l’année 1999, toutes les solutions sont envisagées pour sauver l’avenir d’Antenne Réunion. On en vient à discuter d’une alliance avec … RFO ! Pour alléger les frais de transmission et de diffusion des programmes d’Antenne Réunion qui s’élèvent à 3 millions de francs, RFO prendrait en charge pour 500 000 francs de moins le transport des images d’Antenne Réunion par satellite jusqu’à Paris où seraient assemblées les images d’Antenne Réunion avec celles de TF1 et de M6 et où serait réalisé l’habillage de la chaîne. Le retour des images se ferait à la fois par satellite et par le réseau hertzien. Bien que Jacques de Chateauvieux soit favorable à cette solution, le partenariat ne se fera pas. La presse avait déjà fait de cette éventuelle alliance ses choux gras et accusait déjà Antenne Réunion d’avoir trouvé une façon détournée de profiter de l’argent public.

 

En mai 1999, le conseil d’administration d’Antenne Réunion travaille sur une autre façon de sortir définitivement la chaîne du rouge. Il propose enfin au tribunal de commerce une solution viable. Il est prévu que la chaîne emménage dans des nouveaux locaux au sein d’une zone franche, la Technopole de Saint-Denis, et profite alors de ce déménagement pour procéder à des améliorations techniques comme le passage au tout numérique pour son matériel et l’acheminement des programmes par satellite.

Le mois suivant, le tribunal de commerce accorde un énième sursis à Antenne Réunion : elle a quatre mois pour soumettre au créancier un plan de remboursement. Le groupe Bourbon, qui n’est plus actionnaire puisque Jacques de Chateauvieux a racheté les parts de son groupe et est désormais propriétaire à hauteur de 38% de la chaîne qu’il a contribué à créer, accepte de voir sa dette de 13 millions de francs remboursée après les autres créanciers. La chaîne doit encore 25 millions de francs répartis entre TF1 (7 millions de francs), la SEMPA (6 millions de francs), TDF (2,2 millions de francs) et la SACEM (1,6 millions de francs).

 

En octobre 1999, la sortie du redressement judiciaire d’Antenne Réunion correspond à une remontée de son audience. La chaîne entame alors un plan de continuation étalé sur dix ans et commence à apercevoir le bout du tunnel… Au terme de huit années de fonctionnement, les différents combats d’Antenne Réunion ont abouti et la chaîne semble avoir toutes les cartes en main pour pouvoir affronter la concurrence dans des conditions normales. D’autant plus que l’année 1999 est aussi celle d’un grand bouleversement du paysage audiovisuel réunionnais qui voit arriver deux bouquets de chaînes satellitaires. Bien que dans le même temps TV4 et TV Sud, deux chaînes locales qui avaient été autorisées en 1993, aient disparu, l’offre télévisuelle est désormais comparable à celle de la métropole. En une dizaine d’années, le paysage audiovisuel réunionnais s’est en quelque sorte normalisé. Antenne Réunion reste une chaîne originale, même au niveau nationale, car elle est la seule chaîne locale à avoir réussi à se hisser au même niveau qu’une chaîne publique.


        III.      2001, les dix ans d’Antenne Réunion : Nouveau départ, nouveaux enjeux ?    

                                                                                                                                 

            L’année 2001 est à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire d’Antenne Réunion : la chaîne réunionnaise fête ses dix ans et elle est reconduite pour une durée de dix ans. Les problèmes économiques de la chaîne ne sont pas réglés mais en cours de régulation grâce à une meilleure maîtrise des coûts. Les scores d’audience réalisés révèlent la fidélité des Réunionnais à la chaîne et ce malgré la multiplication de l’offre télévisuelle. Antenne Réunion s’impose dans les foyers et reste une concurrente sérieuse pour le service public, comme nous allons le voir dans cette partie.

 

A.     Antenne Réunion face à la concurrence[166] 

 

a)     Les bouquets satellitaires, une réelle concurrence ?

                                                                                                         

            - L’arrivée des bouquets de chaînes satellitaires à La Réunion

 

            Près de quarante ans après l’arrivée de la télévision dans l’île et la diffusion des premières images, les bouquets de chaînes satellitaires viennent révolutionner le paysage audiovisuel et peut-être enfin étancher la soif d’images des Réunionnais. Grâce au lancement du satellite Eutelsat 2, deux bouquets proposant chacun une trentaine de chaînes sont aujourd’hui disponibles à La Réunion. Pour les rédacteurs du rapport sur le paysage audiovisuel réunionnais datant de 2002, il s’agit là d’une double révolution : « La révolution est technique : image sans altération, son stéréo, aucune déperdition du signal. Mais aussi symbolique : le téléspectateur reçoit pour la première fois des images en direct, sans passer par la diffusion hertzienne TDF[167]. »

 

Le premier bouquet, Canal Satellite Réunion, filiale de Canal Plus Réunion, a été lancé en septembre 1998. En 2002, Canal Satellite a déjà conquis 58 300 abonnés sur l’Océan Indien, dont 44 000 téléspectateurs réunionnais. A peine quelques mois après le lancement de ce premier bouquet, en février 1999, les Réunionnais ont découvert Parabole Réunion. Souffrant quelque peu d’être arrivé second sur le marché, ce bouquet comptait en 2002 deux fois moins d’abonnés que son concurrent, soit 23 000 abonnés à La Réunion. Pour accéder à la totalité des chaînes proposées par chaque bouquet, il faut débourser environ 35 euros par mois.

Si aujourd’hui, Antenne Réunion et RFO sont diffusées sur les deux bouquets, dans un premier temps, chacun des bouquets intégrera une chaîne locale et la logique de concurrence qui oppose Antenne Réunion et RFO se poursuivra sur le satellite. Ainsi RFO s’adossera à Canal Satellite tandis que Antenne Réunion choisira pour allié Parabole Réunion.

 

Mais ce n’est que deux ans après le lancement de Parabole Réunion qu’Antenne Réunion se lancera sur la voie du satellite. Le directeur de Parabole Réunion, David Mignot, explique pourquoi il a choisi d’intégrer Antenne Réunion à son bouquet :

« Parce que c'est la chaîne de télévision la plus populaire de la Réunion […] C'est la première chaîne privée des Dom et, dans le cœur des Réunionnais, elle figure également en tête, j'en suis convaincu. De plus, nous visons un développement dans l'océan Indien. Les capitaux, les centres de décisions et le siège de Parabole sont basés dans l'océan Indien, contrairement à notre concurrent qui est à la fois parisien et américain. Il était donc logique de traduire dans le produit cet enracinement régional[168]. »

                                                                               

Du côté de la direction d’Antenne Réunion, la « montée » de la chaîne sur le satellite est perçue comme « une question de survie » car « avec la concurrence de plus en plus vive des chaînes des bouquets satellite, soit on intègre, soit on meurt[169]. »

 

C’est aussi une grande opportunité pour la chaîne : Antenne Réunion pourrait commercialiser ses productions à des chaînes de télévision nationales et thématiques. Selon le Journal de l’Ile, « C'est aussi des voies ouvertes vers des partenariats avec les productions mauriciennes, malgaches, comoriennes ou sud-africaine, donnant ainsi un sens à l'idée de "coopération régionale sur la zone océan Indien"[170] ». Autre satisfaction apportée par cet accord entre les deux médias : Antenne Réunion parvient enfin à toucher les 10 % de la population réunionnaise qui ne la recevaient toujours pas. Toute la Réunion peut avoir accès aux programmes d’Antenne Réunion en qualité numérique.

 

               - La stratégie de programmation d’Antenne Réunion face aux bouquets

 

Au départ, l’arrivée de Canal Satellite fera grincer des dents à Antenne Réunion car TF1 et M6 font partie des chaînes proposées dans le bouquet. Hors, comme le souligne une intervenante à l’audition publique d’Antenne Réunion pour la reconduction de son autorisation d’émettre, TF1 est « la chaîne - mère » d’Antenne Réunion. Interrogé sur la stratégie qu’Antenne Réunion a choisi d’adopter face à cette situation, M. Roussel, successeur de Thierry Michaud à la direction de la chaîne, répond que  : « Nous ne prenons pas tout TF1 ni tout M6. Nous faisons le choix de ce que nous estimons être le meilleur des deux chaînes, ce qui nous permet déjà d'élaguer pas mal dans les programmes[171]. » Il n’y aurait donc pas tout à fait superposition entre les grilles de TF1, M6 et Antenne Réunion. Par ailleurs, les dirigeants d’Antenne Réunion estiment que les téléspectateurs regardent d’abord la chaîne locale. Pour différencier sa grille, Antenne Réunion s’est aussi orientée vers une nouvelle démarche et traite directement avec les majors pour s’approvisionner en programmes. Dans sa grille de rentrée de 2003, « les majors américaines et européennes (Endemol, MGM, Warner, Columbia…) fournissent […] 42% des programmes, les productions locales 38%, un chiffre en constante progression, TF1 et M6 complétant ce melting-pot audiovisuel avec leurs émissions phare[172]. »

Enfin, Antenne Réunion est aussi « sauvée » par le décalage horaire. En effet, si un programme est diffusé à 17h sur TF1, il passe à 20h[173] à La Réunion. Hors, c’est l’heure du début du film sur les chaînes locales, donc, les téléspectateurs seront plus enclins à regarder le programme le lendemain sur Antenne Réunion et non le jour même, en direct, sur TF1.

 

La présence des chaînes nationales n’est tout de même pas à prendre à la légère pour Antenne Réunion car TF1 et RTL9 apparaissent dans les sondages d’audience. Encore une fois, Antenne Réunion jouera la carte de la proximité et optera pour le renforcement de la présence des programmes locaux dans sa grille. Si Antenne Réunion trouve des solutions pour faire face à la montée des chaînes des bouquets satellitaires, la lutte contre RFO est parfois acharnée.

 

b)    La concurrence avec RFO, une concurrence frontale sur l’information[174]

                                                                                                                         

- La guerre des JT

 

            Antenne Réunion et RFO, depuis janvier 2003, se sont déclarées la guerre sur le terrain de l’information. Antenne Réunion a la première ouvert le feu en avançant son journal télévisé de 19h30 de dix minutes. L’objectif est clair pour Philippe Roussel. Il s’agit de « prendre le commandement sur la tranche 19h-21h[175] ».

 

Dès son lancement, Antenne Réunion a adopté comme leitmotiv la différence par rapport à l’information proposée sur le service public, prônant avant tout une liberté de ton et un dynamisme que le « vieux dinosaure » d’en face n’avait certainement pas à l’époque. Comme nous l’avons montré tout au long de cette deuxième partie, Antenne Réunion parvient à conquérir une partie de la population réunionnaise et au niveau des scores d’audience, elle talonne de près sa rivale. Toutefois, avec cette stratégie d’avancement du journal télévisé, la chaîne passe à une tactique plus offensive. Se fiant à une enquête commandée à Ipsos sur les habitudes locales, Antenne Réunion essaie de mieux coller au rythme de vie des Réunionnais et de mieux « répondre à leurs attentes[176] ».  La manœuvre est couronnée de succès puisqu’en mars 2004, le Journal de l’Ile annonce : « Antenne Réunion prend le leadership sur l’information du soir ». Ainsi, « avec une moyenne de parts de marché de 44,55% entre 19h et 20h, Antenne Réunion devance sa rivale publique de 1,5 point. Pour contrer la programmation de Télé Réunion et la diffusion de son feuilleton américain “Amour, gloire et beauté”, la chaîne a créé de toutes pièces “Tout le monde joue”, un jeu de culture générale animé Christophe Begert[177]. L’émission a permis à Antenne Réunion d’améliorer son “écoute” sur cette case et de fidéliser les téléspectateurs juste avant le journal télévisé. Un journal télévisé de plus en plus regardé. En janvier et en février, la part d’audience d’Antenne a atteint 47,7% alors que celle de RFO se stabilisait autour de 43,4%[178]. »

 

La direction de RFO de son côté voit rouge et si le discours reste le même, à savoir que les objectifs des deux chaînes sont différents et que l’on est content du succès de la concurrente privée, les actes changent. Au début du mois de mai 2004, RFO annonce dans la presse l’avancement de son journal télévisé à 19h15, soit cinq minutes avant celui d’Antenne Réunion à partir du 17 mai 2004. Le service public a « décidé d’attaquer frontalement Antenne pour récupérer son audimat[179]. » Antenne Réunion ne laisse pas le temps à RFO de savourer sa décision et contre-attaque immédiatement en décidant d’avancer elle aussi son journal télévisé à 19h15 et ce, une semaine avant RFO ! Le ton change entre les deux chaînes, comme nous pouvons le percevoir dans les lignes du Journal de l’Ile : « Si Antenne affirme ne pas être dans une logique de guéguerre avec RFO, il est clair que l’initiative des “copieurs” du Barachois agace. “Ils ont voulu nous attaquer en pleine face. Tant pis pour eux : ils vont y perdre des plumes”, commente Philippe Roussel. [180]»

 

RFO regagne tout de même quelques points grâce à sa stratégie. Si Christophe Ducasse (successeur de Philippe Roussel) affirme que : « Avoir le leadership n’est pas ma priorité tant qu’on reste dans un mouchoir de poche avec RFO. Ce qui compte pour moi, c’est que les Réunionnais aiment notre télé. Et c’est le cas. Et surtout que nous soyons en tête sur les cibles qui intéressent le plus les annonceurs[181] », en septembre 2004, Antenne Réunion avance son journal télévisé à 19h ! La bataille semble terminée. Les dirigeants de RFO disent ne pas vouloir « d’une bataille frontale avec Antenne Réunion, et surtout considèrent que la diffusion éventuelle du journal télévisé à 19 h ne répondrait pas forcément à une attente des téléspectateurs[182]. » Cependant, à l’heure où nous rédigeons ce mémoire, RFO vient tout juste d’avancer son  journal télévisé à la même heure que sa concurrente.  La position de RFO est « résolument commerciale[183] ». La chaîne mène une véritable « stratégie de reconquête[184] ». Dans ce contexte, qu’en est-il de la mission de service public de RFO ?

 

             - Les « privilèges » toujours pas abolis : la concurrence déloyale de RFO

 

            Dans la presse locale, on s’amuse parfois à comparer ce combat à celui de David contre Goliath. Il est vrai que les deux télévisions ne se battent pas à armes égales. Pour affronter RFO, Antenne Réunion sort le grand jeu : elle investit 2 millions d’euros dans l’achat et la fabrication de programmes en 2003, ce qui est selon le Journal de l’Ile « un investissement colossal comparé au budget de “Réseau France Outre-mer” estimé à moins de 150 000 euros par an[185]. » Mais pour battre RFO, Antenne Réunion a dû sacrifier ses troupes : entre 2001 et 2003, « la masse salariale a fondu de 30% » et au sein de la rédaction, la cadence est parfois difficile à suivre car « la polyvalence est la règle[186] ». Les journalistes sont tous Journalistes Reporters d’Images, voire également présentateurs et rédacteurs en chef adjoints ! A RFO, les journalistes travaillent toujours en équipe et partent souvent en binôme (journaliste et cameraman). De retour à la rédaction, un monteur se charge de mettre en forme le sujet.

Cette inégalité de moyens se double de ce qu’à Antenne Réunion on considère comme une éternelle injustice : RFO, malgré les années de combats, a toujours accès gratuitement aux programmes des chaînes privées nationales. Si la « guerre des JT » est révélatrice d’un très net rafraîchissement de l’ambiance entre secteur privé et secteur public, il semble que RFO par son comportement actuel mette de côté toute logique de service public. Il n’y a plus de fair play et de congratulations mutuelles, désormais, à la lecture de la presse locale, les Réunionnais peuvent constater que RFO fait tout pour mettre des bâtons dans les roues de sa concurrente. En témoigne le dernier épisode dans la guerre des chaînes, à savoir la diffusion sur la chaîne public du programme à succès de TF1, la série américaine « Lost ». Pour M. Gérard Hoareau, directeur d’antenne à RFO, cette affaire n’en est pas réellement une. RFO aurait tout simplement rempli sa mission de service public en diffusant un programme qu’Antenne Réunion n’aurait jamais eu les moyens de s’acheter. Selon lui, « RFO a la mission de diffuser ce qu’Antenne Réunion ne peut pas diffuser. Le manque de moyens d’Antenne Réunion ne doit pas priver les téléspectateurs d’un bon programme[187].» RFO n’est pas hors la loi mais il nous semble que les responsables de la chaîne font une redéfinition de la mission de service public qui leur est dévolue pour justifier des comportements allant quelque peu à l’encontre du libre jeu de la concurrence. Si l’on en croit les propos de la direction de RFO, les relations entre RFO et Antenne Réunion ne sont pas prêt de s’améliorer. Nous pouvons lire dans les lignes du Journal de l’Ile que « Gérald Pruffer, le nouveau directeur régional de RFO à la Réunion, annonce d’ores et déjà que “RFO va désormais reprendre tous les bons programmes de TF1 qu’Antenne ne sera pas capable de reprendre”. Pour lui, “c’est de bonne guerre”. Pas sûr que l’autre belligérant soit d’accord[188]. »

            - Les effets pervers de la concurrence : l’uniformisation des grilles

 

            Dans ce contexte de guerre entre RFO et Antenne Réunion, le téléspectateur a-t-il quelque chose à gagner ? Dès 1998, le Conseil de la Culture, de l’Education et de l’Environnement (CCEE) regrettait qu’une télévision publique soit « contrainte de se plier à une logique commerciale, afin de justifier l’utilisation de son financement[189] ». Dans son rapport sur le paysage audiovisuel, le CCEE note encore :

                                                                   

« Ce n’est pas le moindre paradoxe de cette "diversification" attendue du fait de l’arrivée de chaînes nouvelles, et notamment d’Antenne Réunion, que de voir la compétition uniformiser pour des raisons d’audimat les programmes au lieu de les diversifier […]. La pluralité des chaînes ne garantit donc pas, par elle-même, le pluralisme. On constate qu’avec des habillages légèrement différents, la ligne politique est proche de celle de RFO[190]. »

 

Ce que l’on peut noter c’est qu’Antenne Réunion, au travers des différents combats qu’elle a menés semble tout de même avoir toujours voulu se différencier de sa concurrente publique. Cette différenciation passe aujourd’hui par une forte part de programmes locaux dans la grille de la chaîne privée.

 

RFO avait pendant un certain temps abandonné la diffusion des programmes de TF1. Renouer avec cette pratique est en quelque sorte une régression. La « grève des ondes » de 1996 n’aurait finalement servi à rien pour Antenne Réunion. Le parcours de la « télé qui bouge » semble encore semé d’embûches. Peut-être son avenir se trouve-t-il dans le numérique ?

 

B.    Antenne Réunion à l’heure du numérique

                                                                  

a)     La « techno – fascination » des Réunionnais[191]

 

            - La boulimie d’images des Réunionnais

 

            Comme le souligne Jacky Simonin, à la Réunion, « la liberté d’expression et le pluralisme médiatique semblent désormais deux valeurs inscrites dans la réalité. Elargi par les transmissions par satellite, Internet est en pleine expansion ; en conséquence, le paysage médiatique réunionnais est en phase de normalisation sur le mode en usage dans les pays développés ou économiquement émergeants. Enjeu au départ politique, l’espace médiatique se transforme alors en enjeu économique et culturel. Cette nouvelle donne interpelle évidemment "l’identité réunionnaise"[192]. » Partant de cette citation, il nous a semblé inévitable de mettre en parallèle les évolutions des pratiques culturelles des Réunionnais et les évolutions d’Antenne Réunion.

 

Les Réunionnais, et les Domiens en général, ont une fascination pour les nouvelles technologies, comme le révèle une enquête réalisée par la société Ipsos et intitulée « Les Domiens et les TIC » : « Malgré les écarts de revenus constatés avec la France métropolitaine et un taux de chômage de deux à trois fois plus important, les Domiens ont des niveaux d'équipements loisirs, nouvelles technologies ou communication souvent supérieurs à ceux de la métropole. Qu’il s’agisse de combler un manque d'information, de rompre un isolement ou de profiter des plaisirs de la modernité, on les retrouve souvent en "early-adopters" des dernières nouveautés[193]. »

 

La télévision tient toujours une place importante dans le budget loisirs des Réunionnais. Ainsi,  40% des Réunionnais habitent un ménage où l’on reçoit une télévision payante, contre moins d'un sur cinq dans l'hexagone, toujours selon l’enquête menée par Ipsos. Comment expliquer que « presque paradoxalement, les Domiens se retranchent chez eux pour s'ouvrir au monde[194] » ? Pour un métropolitain, il est souvent difficilement imaginable qu’avec un climat tropical, on passe tant de temps devant le petit écran. Pourtant, les Réunionnais ont bien moins que les Espagnols la culture de la sortie nocturne. Autre explication avancée par Ipsos : « On peut se demander si l'éloignement géographique et l'insularité ne génèrent finalement pas une crainte de l'isolement, à l'origine d'une attirance pour le high-tech qui dépasse une logique purement utilitariste. Posséder la toute dernière nouveauté répond peut-être à un besoin plus important qu'ailleurs de se sentir partie intégrante d'une société en constante mutation ; ou tout du moins de ne pas s'en sentir exclu[195]. »

 

            - Antenne Réunion surfe sur la vague du numérique

                                                                                                                 

La place que tient la télévision au sein d’une société insulaire comme à La Réunion explique donc en grande partie qu’une chaîne comme Antenne Réunion ait pu s’imposer face au service public. Le développement des technologies numériques à La Réunion impose cependant à la chaîne d’évoluer pour mieux s’adapter aux pratiques de la population. Le 1er décembre 2002, Antenne Réunion lance enfin son site Internet[196].  Ce lancement coïncide avec une nouvelle démarche de la chaîne concernant son image. Le site de la chaîne est « haut en couleur, offrant l’actualité en continu, le détail des programmes, des jeux avec lots à gagner » et il constitue « un support bien exploité en terme de communication, puisque la communication est faite sur différents programmes de la chaîne[197]. » Les téléspectateurs peuvent même y  découvrir des détails croustillants sur la vie de leurs présentateurs vedettes et participer à des forums de discussions.

 

Au slogan « Antenne Réunion, la télé qui bouge » peut également être accolé fièrement « Première télévision privée et gratuite de la France d’outre-mer » : selon le Journal de l’Ile, « en décembre 2002, un sondage d’Ipsos Océan Indien posait la question suivante : “De toutes les chaînes de télévision que vous connaissez, quelle est votre chaîne préférée ?” Réponse : Antenne (35% des sondés de 15 ans et plus), chaînes payantes (30%), RFO (27%) et Tempo (4%)[198]. »

 

b)    Nouvelles perspectives pour la petite chaîne locale ?

                                                                                                 

Depuis 1999, Antenne Réunion aspire à être au centre d’un véritable pôle de communication. Le point de départ est la relation entre la chaîne privée et les producteurs locaux avec lesquels elle travaille et entretient des relations privilégiées.

Pour Thierry Michaut, alors directeur d'Antenne Réunion, la chaîne est « un espace d'expression pour ceux qui ont le talent et l'énergie de produire à la Réunion des émissions[199].» Avec Antenne Réunion,  le Journal de l’Ile voit même émerger « un modèle de fonctionnement de télévision locale[200] ».

En 2004, Christophe Ducasse[201] revient à la tête d’Antenne Réunion, non seulement en tant que directeur mais aussi en tant que propriétaire de la chaîne à hauteur de 40%, puisqu’il rachète au début de l’année les parts de M. de Chateauvieux. Avec M. Ducasse, la chaîne prend un nouveau virage sur le chemin de la diversification de ses activités : « L’ambition affichée est claire : la chaîne privée veut devenir le premier groupe multimédia de la Réunion et une référence pour ses partenaires dans la zone océan Indien[202]. »

 

Pour augmenter ses recettes, la chaîne peut difficilement compter sur une progression du marché publicitaire local. Ainsi, quelques mois après son arrivée à la présidence de la chaîne privée, M. Ducasse crée « Antenne Réunion Interactive », « une filiale qui regroupera les activités multimédia (SMS, Internet...), le marketing et les partenariats[203] ». Comme nous l’avons mis en avant, les Réunionnais sont férus de nouvelles technologies et M. Ducasse ne le sait que trop bien. Dans le développement de sa chaîne, il intègre donc les nouvelles pratiques des jeunes en particulier, cœur de cible d’Antenne Réunion. A la fin de l’année 2004, le « télévoting » est mis en place : les jeunes Réunionnais peuvent voter pour leur candidat favori à la Star Académy ! Antenne Réunion surfe sur la vague Star Ac car le programme de TF1 rencontre un franc succès dans l’île. Il faut dire que La Réunion est le seul DOM où est organisé le casting pour participer à l’émission. Des Réunionnaises ont d’ailleurs fait partie des deux dernières « promotions » (2004 et 2005) de « star académiciens ». Star Ac Mag Réunion, un produit d’Antenne Réunion Interactive est devenu en l’espace de quelques mois le magazine leader chez les jeunes, selon le Journal de l’Ile[204]. Jouant toujours la carte du multimédia, Antenne Réunion a également lancé une édition quotidienne d’information spécifique pour le WAP avec Orange.

 

En 2005, la stratégie de M. Ducasse porte ses fruits et l’on peut lire dans les colonnes du Journal de l’Ile : « En dépit d’une situation financière toujours fragile et d’une concurrence accrue, la chaîne privée a annoncé la semaine dernière une augmentation de 5,7% de son chiffre d’affaires à 6,1 millions d’euros[205]. »

 

Après tant d’années de difficultés financières, Antenne Réunion possède aujourd’hui les armes « high tech » pour faire face à l’artillerie lourde de RFO. Le multimédia est certainement l’avenir de la chaîne. Antenne Réunion veut plus que jamais être à l’image de la population réunionnaise : jeune et dynamique. Elle renforce toujours sa position dans le cœur des jeunes adultes en s’associant à des événements tels que le « Sakifo Festival », un festival de musique organisé depuis l’année dernière au mois d’août. Les jeunes Réunionnais bousculent les habitudes de leurs aînés et sont de plus en plus noctambules. Antenne Réunion suit le mouvement. Aussi en août 2005, pour la deuxième année consécutive, elle a installé le plateau de son journal télévisé sur les lieux mêmes du festival. En direct, les artistes qui se produisaient durant le festival étaient interviewés par le présentateur vedette Jean-Marc Collienne. Nombreux étaient ceux qui s’étaient massés autour du plateau pour voir en chair et en os celui qui entre dans leur foyer via le petit écran tous les soirs de la semaine. Une telle ferveur laisse présager de beaux jours pour Antenne Réunion.

 


Conclusion

 

L’ascension d’Antenne Réunion s’est faite progressivement mais sûrement, jusqu’à mettre sa concurrente publique dans l’obligation de réagir et d’entrer dans une bataille pour l’audience[206]. Tout au long de ce mémoire, nous avons tâché de déterminer les raisons de ce succès. Au terme de notre travail, trois facteurs paraissent avoir été déterminants.

 

Tout d’abord, Antenne Réunion a bénéficié d’un contexte d’émergence favorable, d’une triple opportunité conjoncturelle. La conjoncture politique, en premier lieu, a permis la mise en place d’une chaîne privée à La Réunion car le service public de télévision dans l’île conservait, dans les années 1980, des pratiques de censure. De ce fait, la classe politique locale a ressenti le besoin de briser ce monopole afin que toutes les tendances puissent s’exprimer équitablement. Le contexte économique a également été favorable à la croissance d’Antenne Réunion. Au début des années 1990, le chômage est très important à La Réunion. Mais à la même période, on assiste à une baisse des prix des téléviseurs et à un développement de la société de consommation. Enfin, Antenne Réunion a été créée à une époque où les Réunionnais revendiquaient une reconnaissance, et même une valorisation, de leur culture.

 

Aussi la chaîne a-t-elle bénéficié de soutiens multiples, ce qui constitue pour nous le deuxième facteur de sa réussite. Au cours de son histoire, Antenne Réunion a pu compter sur la population réunionnaise, qui a su se mobiliser pour la chaîne en période de crise. Indirectement, le soutien populaire est aussi reflété dans les scores d’audience réalisés par Antenne Réunion. Il faut aussi souligner le rôle des acteurs économiques de l’île, notamment M. Jacques de Chateauvieux, sans qui la chaîne n’aurait peut-être pas pu se relever des différentes épreuves qu’elle a subies.  De plus, l’enthousiasme des différentes équipes qui se sont succédées participe à la dynamique de conquête de la chaîne.

 

Le dernier facteur, mais pas le moindre, relève d’une donnée culturelle, à savoir la place que tient la télévision dans la vie des Réunionnais. Durant les longues et chaudes soirées tropicales, la télévision entre dans les foyers pour abreuver les familles d’images du monde et de fictions. Longtemps restreints aux seuls programmes proposés par RFO, les Réunionnais ont maintenant de quoi satisfaire leurs envies d’évasion.

 

Un grand nombre de fées s’est penché sur le berceau d’Antenne Réunion. Née en pleine « révolution » sociale, la chaîne privée réunionnaise a bouleversé les habitudes du service public de télévision. Mais ce n’est pas là son seul mérite. Au regard de son histoire, nous pouvons dire qu’elle a accompagné les évolutions de la population de l’île de La Réunion. Aujourd’hui la chaîne réunionnaise n’a rien à envier aux grandes chaînes nationales. Dans un paysage audiovisuel riche et diversifié, Antenne Réunion a trouvé sa place. Quant au rôle qu’elle a à jouer sur le plan local, nous pensons aussi qu’elle a trouvé sa voie. Alors que les Réunionnais sont entrés de plain-pied dans le troisième millénaire et adoptent rapidement les technologies dernier cri, ils éprouvent dans le même temps le besoin d’un retour aux traditions.  C’est pourquoi, les programmes locaux tiennent une place toujours plus importante dans la grille d’Antenne Réunion. Entre ouverture au monde grâce à la diffusion de programmes au succès national et international et reflet de la vie réunionnaise, la chaîne a su se positionner.

 

Antenne Réunion est la cristallisation des différents combats qu’ont mené les Réunionnais pour qu’existe un système médiatique pluraliste. Cependant, la guerre que se livrent RFO et Antenne Réunion, nous amène sur la piste d’une autre réflexion : quel rôle le service public doit-il jouer à La Réunion ?

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Annexes


Annexe I : Cartes

 

Situation de La Réunion par rapport à la métropole :

 

 

 

 

 

Carte de La Réunion et villes principales :

 


Annexe II : Inauguration de la télé

 

Le discours d’inauguration d’Alain Peyrefitte, ministre de l’Information, le 24 décembre 1964

"MES CHERS COMPATRIOTES DE LA REUNION”

“A 11 000 km de Paris, isolée dans l’océan Indien, votre île, depuis Noël, dispose de la télévision. A l’heure où certaines régions montagneuses de la métropole ne reçoivent pas encore la télévision, Saint-Denis possède sa propre station. En moins d’un an, sous l’impulsion de vos responsables et notamment de votre député, Michel Debré, et grâce aux prouesses réalisées par les techniciens de l’ORTF, toutes les installations ont été construites et mises au point. Bien sûr, ce n’est pas tout de suite que la population entière de l’île pourra en profiter, mais un premier pas est accompli, qui sera suivi par d’autres.

Ce petit écran sur lequel vous me voyez ce soir, sera à la fois pour vous un miroir reflétant les événements et les problèmes de votre île, et une fenêtre sur le monde extérieur et notamment sur la métropole. Cette télévision est le symbole de la diversité et de l’unité qui sont les génies de notre Nation. Elle prouve ainsi que la Réunion, pointe d’épingle sur la carte, n’en est pas moins chérie au cœur de tous les Français, puisque c’est l’ensemble des Français qui ont fait à la Réunion ce cadeau de nouvel an.

Votre île a sa vie à elle, son histoire, ses coutumes, ses intérêts, ses projets. Elle peut être fière de ses magnifiques paysages, vos cascades de Ravine-Blanche ou des Aigrettes, vos cirques de Cilaos, de Mafate et de Salazie, votre volcan toujours actif, votre Piton de la Fournaise. Elle peut être fière de ses fils, le poète Parny, le grand poète Leconte-Delisle, l’érudit Joseph Bédier, l’aviateur Roland Garros, Juliette Dodu, l’héroïne et bien d’autres. Elle peut être fière de ses profondes traditions religieuses et de ce creuset créole où se mêlent les Français de toutes origines dans l’égalité des droits et dans la liberté.

Elle peut être fière de ses travailleurs, planteurs de cannes à sucre, de vanille et de géranium, de ses ouvriers et de ses cadres.

Cela, c’est la vie traditionnelle de votre île, comme c’était déjà la vie de l’île Bourbon. La télévision évoquera ce passé, vous fera mieux connaître la nature et les beautés de votre île, ranimera votre fierté. Mais depuis quelques années, votre département connaît aussi un prodigieux essor. La télévision doit suivre le rythme de ce département. Elle vous rendra compte de l’extraordinaire transformation que vous êtes en train de vivre et qui doit vous apporter à tous, année après année, de meilleurs salaires et un meilleur niveau de vie.

Vous verrez sur vos écrans les conduites forcées, la centrale hydraulique de la rivière Langevin, le grand barrage de Takamaka qui dans trois ans fournira à votre industrie l’énergie qui lui est nécessaire et permettra d’étendre partout le bénéfice de l’électricité.

La télévision se mettra au service de tous les efforts économiques, notamment agricoles dont, à juste titre, vous attendez tant.

La télévision vous fera suivre cette poussée de sève qui s’appelle la montée de jeunes. Elle vous fera participer à la vie nouvelle qui remplace progressivement la quiétude d’autrefois, grâce à une jeunesse active et ambitieuse, prête au travail, ici ou en métropole.

La télévision vous fera participer, par exemple, à l’expansion scolaire qui anime la Réunion, à l’implantation de vastes groupes scolaires dans les villes, comme l’éclosion d’une multitude de petites écoles dans les localités dont les noms pittoresques sentent le terroir : Mare-à-Poule-d’Eau, Mare-à-Citron, Ravine-des-Cabris, Îlet à Calebasses… Ces écoles où les jeunes maîtres, par l’instruction puis par la formation professionnelle, éveillent les consciences de ceux à qui appartiendra demain, de faire de la Réunion une région pilote dans cette partie du monde.
Vous verrez ainsi les images du monde, des continents qui vous sont proches, des continents plus éloignés et surtout de la France. Vous pourrez suivre les actualités et participer grâce à cet écran, à tout ce qui représente et enrichit notre vie nationale, nos grandes industries, nos universités et nos laboratoires, les grandes œuvres de notre patrimoine artistique et littéraire, sans oublier la vie politique. Tels les Français de métropole, vous vivrez à l’heure de notre siècle.

Enfin, vous connaîtrez d’agréables moments : pièces de théâtre, films dramatiques, variétés, vous apporteront les distractions en même temps que la culture.

De nos jours, la distance n’est plus un obstacle. Entre la métropole et le département de la Réunion, le bateau, l’avion, le téléphone, la radio avaient établi des liens de plus en plus étroits. Dans le petit écran, votre île va trouver une raison de plus d’aller de l’avant. Avec la télévision, la Réunion est entrée davantage dans la voie ascendante du progrès.

“VIVE LA TÉLÉVISION RÉUNIONNAISE ! VIVE LE GÉNÉRAL DE GAULLE ! VIVE LA FRANCE !”

                                                                                                                             

 

 

Source : « La télé réunionnaise a quarante ans », Dossier du Journal de l’Ile du 28/11/2004


Annexe III : La télévision au temps du monopole

Source : Le Journal de l’Ile du 29/08/1981


Annexe IV : Multiplication de l’offre télévisuelle

 

Source : Le Journal de l’Ile du 28/11/2004


Annexe V : Les balbutiements dans les locaux de la SEMPA

 

 

 

 

 

 

 

Source : Le Journal de l’Ile du 01/04/1998

 

 

 

Nouveau logo aux couleurs du nouveau partenaire, TF1 :

 

 

 

 

 

 

 

Source : www.antennereunion.fr


Annexe VI : Le site d’Antenne Réunion

 

www.antennereunion.fr

 

 

 

 

 


Annexe VII :   Les Domiens et les TIC      

 

 

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Ce mapping présente les duplications d’équipement en matière de téléphonie mobile, tv payante et Internet à domicile


*Donnée Insee 2003
** Idate Minefi 2002
*** Ipsos Observer - Capibus Juin 2004

 

Source : http://www.ipsos.fr/CanalIpsos/articles/images/1385/Couleurs_Outre_mer_2.pdf

Annexe VIII : Antenne Réunion et RFO au coude à coude

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : www.mediametrie.fr


Annexe IX : Interview Christophe Ducasse

 

 

MÉDIA
Questions à Christophe Ducasse


La présentation de la nouvelle grille d’Antenne Réunion a été l’occasion pour son PDG de revenir sur les points forts qui ont marqué l’actualité de la chaîne, ces derniers mois.

Où en êtes-vous dans vos dettes ? Actuellement, notre dette s’élève à un million d’euros. Par le biais du tribunal de commerce, nous avons fait deux propositions à la Sempa, notre principal créancier qui nous loue les locaux à Antenne. Soit nous réglons cash 40% de ce que nous lui devons - qui représente 725 000 euros - et on oublie les 60 % restant ; soit nous nous acquittons de la totalité de notre dette dont le montant augmente chaque année, mais sur un délai prolongé. Nous sommes toujours en attente d’une décision. Toutefois, sachez que seuls 4% des entreprises échappent à des redressements judiciaires et que nous faisons partie de celles-là.

Êtes-vous toujours en guerre avec RFO ? RFO et Antenne Réunion sont deux chaînes différentes qui pourraient être complémentaires. En face, on s’occupe du service public et chez nous, du divertissement et des infos. En prenant des émissions sur TF1, comme la série “Lost”, la chaîne publique cherche à nous nuire et à conserver le monopole. Ce soir je me rends à Paris pour m’expliquer avec le CSA, car je ne voudrais pas que ce genre d’incident se reproduise. Je respecte tous ceux qui travaillent à RFO, alors j’attends le même respect en retour. Concernant le JT de 19 heures... Non, nous n’avons pas l’intention de le repousser à 18h45 pour contrer les nouveaux horaires de la concurrence.

Comment se porte le Star ac’mag’ ? Notre magazine remporte un grand succès auprès des jeunes. Entre septembre et décembre derniers, nous avons écoulé près de 4500 exemplaires. Cette fois-ci, nous prévoyons de sortir entre 6000 et 8000 exemplaires. Les magazines se vendent plus facilement pendant la période de diffusion de l’émission et en plus, nous profitons du phénomène Émilie.

Article mis en ligne le 9 septembre 2005 - 07h53

Source : © 1998-2005, Journal de l'Ile de La Réunion

 

 

Source : http://archives.clicanoo.com/article.php3?id_article=112256&var_recherche=ducasse

                                                                         

                                                                                                                       

 

 

 

 

 

 

Bibliographie

 

1. Rapports et documents officiels

 

Rapports du CSA

 

- Audition publique du 17 octobre 2001 pour la reconduction de l’autorisation de la société privée Antenne Réunion

 

- Les télévisions locales en France : situation et perspectives

 

- Bilan de RFO pour l’année 1991

 

Région Réunion

 

- Rapport sur le paysage audiovisuel à La Réunion, Conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement, Saint-Denis, 1998, 53 p.

 

- Rapport sur le paysage audiovisuel à La Réunion, Conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement, Saint-Denis, 2002, 141 p.

                                                                                                                                   

- La télévision à La Réunion : à l’aube d’une nouvelle ère (1998)                                         

 

Enquêtes Médiamétrie (études d’audience)

 

- Enquêtes Métridom : L’audience de la télévision dans les Départements d’Outre-Mer (de janvier à décembre 2004)

 

Enquête Ispos

 

- Les Domiens et les TIC

 

2. Livres

 

- Chane-Kune Sonia, La Réunion n’est plus une île, L’Harmattan, Paris Montréal, 1996, 367 p.

 

- Combeau Yvan, « La Réunion et la décentralisation (1963-1983-2003), in Maestri Edmond (dir.), La décentralisation : Histoire, bilans, évolutions, L'Harmattan Saint-Denis : Université de La Réunion, 2003, pp. 103-115

 

- Combeau Yvan, Maestri Edmond (dir.), Histoire de La Réunion : de la colonie à la région, Nathan, Paris, 2002, 159p.

 

- Gauvin Gilles, Michel Debré et l’île de La Réunion (1959-1967), L’Harmattan, Paris, 1996, pp. 159-162

 

- Idelson Bernard, « Les médias à La Réunion et à Madagascar », in Communautés périphériques et espaces publics émergents : les médias dans les îles de l’océan Indien, sous la direction de Simonin Jacky, L’Harmattan, Paris, 2002.

 

- Idelson Bernard, « L’audiovisuel réunionnais depuis la décentralisation », in Maestri Edmond (dir.), La décentralisation : Histoire, bilans, évolutions, L'Harmattan Saint-Denis : Université de La Réunion, 2003, pp. 257-268

 

- Le Champion R., Danard B., Télévision de pénurie, télévision d’abondance. Des origines à Internet. La Documentation française, Paris, 2000, 224p.

 

- Martinez Paul François, Géopolitique de La Réunion. Tome 2 : 1991, éruption sociale, 1992, raz de marée politique...et répercussions..., Océan Editions, Saint- André de La Réunion, 2002, 343p.

 

- Pontus Arnaud, Le phénomène Free Dom à l’île de La Réunion, S. Sudre, Rochemaure, 1995, 239 p.

 

- Scherer André, La réunion, Presse Universitaire de France, Paris, 1994, 127 p.

 

- Watin Michel (dir.), Univers Créoles - Communication et espace public, Anthropos, Paris, 2001, 266 p.

 

                                                                                                                                

3. Revues

 

- Idelson Bernard, « L’espace médiatique réunionnais hier et aujourd’hui », in La France et les Outre-Mers – L’enjeu multiculturel, Hermès n°32-33, Ed. du CNRS (2002), 2002, 656p.

 

-Idelson Bernard, « Naissance de la télévision réunionnaise : Service public et voix de la France », in « Dossier – Services publics : égalité ou équité ? » Akoz Espace Public n°5, septembre 1999

 

- Simonin Jacky, « Autoroutes de l’information », Akoz Espace Public n°2

 

- Simonin Jacky, « Médias locaux et citoyenneté. L’espace public réunionnais entre communauté et société », Hermès n° 26-27, Ed. du CNRS

 

- Simonin Jacky, « Pour une anthropologie de La Réunion », in La France et les Outre-Mers – L’enjeu multiculturel, Hermès n°32-33, Ed. du CNRS (2002), 2002, 656p.

 

- Simonin Jacky, « Les médias réunionnais, faits de structure et discours d’acteurs », in Médias et communication dans un espace régional, Etudes de communication n°17, Université Charles de Gaulle-Lille 3, Lille, 1995, p. 16-17

                                                                                                          

- Médias, 30 ans de remue-ménage, Akoz Espace Public n°15, 2002

                                            

4. Mémoires

 

- Bègue Jean-Eric, Genèse d'une télévision privée dans un contexte d'ouverture du paysage audiovisuel réunionnais : la création d'Antenne Réunion Télévision, 1991

                  

- Cazanove Katia, La télévision à La Réunion : l'évolution de la télévision à La Réunion : un espace public émergent, Maîtrise d’Information et Communication, Octobre 1994

 

- Cazeau Sophie, La fidélisation des téléspectateurs : cas d’Antenne Réunion, Maîtrise de Sciences de Gestion, sous la direction de Stéphane Manin, Université de La Réunion, 2004

 

- Fazel Catherine, RFO et les télévisions locales d’outre-mer : concurrence et complémentarité, sous la dir. de Laurence Franceschini, DEA Droit de la communication, IFP, 1996

 

- Guillemin Martine, RFO – D’hier à demain-, sous la direction de M. Tristan Mattelard, Université Paris 2, IFP, Février 1997

 

- Hoarau Cédric, Analyse du positionnement d’une chaîne télévisée, Maîtrise de Sciences de Gestion, Université de La Réunion, 2002 - 2003

 

- Idelson Bernard, De la RTF à RFO, la télévision réunionnaise à travers un récit de vie d’un acteur pionnier : Jean Vincent-Dolor, Mémoire de DEA, Langage et Parole, Université de La Réunion – Université de Provence, 1995

                                         

- Law – Kine Corinne, Confrontation de deux journaux télévisés : RFO face à Antenne Réunion, sous la direction de M. Hurard, Université Paris 2, IFP, Février 1995

 

- Vaulbert Laurent, La genèse de la télévision à l’île de La Réunion de 1963 à 1965, Maîtrise d’Histoire, sous la direction de M. Yvan Combeau – Mari, Université de La Réunion, Juillet 1999

 

- Verguin Michel, Télévision publique et lien social à La Réunion, sous la direction de M. Jacky Simonin, Maîtrise Information et Communication, Université de la Réunion, septembre 1995

                                                               

5. Presse écrite

 

Le Monde

 

- « La "petite révolution" contestée de RFO », Gay Pierre Angel (31/03/1987)

- « Un député barriste promet de " faire le ménage " à la station RFO de la Réunion », Dijoux Alix (31/12/1987)

- « Après enquête sur la couverture de la visite de M. Mitterrand à la Réunion La CNCL réprimande sévèrement RFO », Colonna d’Istria Michel (10/03/1988)

- « La polémique autour de RFO Les confettis du monopole », Colonna d’Istria Michel (12/02/1988)

- « Les croisades de Télé Free-DOM », Colonna d’Istria Michel (12/02/1988)

- « Décentralisation et ouverture internationale Le nouveau visage de RFO », Colonna d’Istria Michel (16/02/1990)

- ENQUETE « LES TÉLÉVISIONS LOCALES HERTZIENNES Qu'il est long le chemin... »  Follea Laurence (20/08/1990)

- « Emeutes meurtrières à la Réunion », Dijoux Alix (27/02/1991)

- « Télé Free-DOM défie la loi depuis cinq ans », Lacan Jean - François (27/02/1991)

- « A la Réunion, les polémiques après l'émeute », Rollat Alain (02/03/1991)

- « Un entretien avec le PDG de RFO " RFO n'est pas une télévision néo-coloniale ", nous déclare M. François Gicquel », Colonna d'Istria Michel; Lacan Jean - François; Gicquel François (27/03/1991)

- « Extension de RFO et quatrième chaîne Matignon veut remplir les écrans de la Réunion » Colonna d’Istria Michel, (28/03/1991)

- « Un entretien avec M. Jacques Boutet " On ne peut rien reprocher au CSA sur la saisie de Télé-Free-DOM " nous déclare le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel », Lacan Jean – François, Boutet Jacques (20/04/1991)

- « La modernisation de la télévision dans les DOM-TOM RFO va améliorer sa diffusion et ses productions locales », Lacan Jean – François (08/05/1991)

- DEBATS « Médias Les leçons de Télé Free-DOM » CATHODON (pseudonyme d’un groupe de hauts fonctionnaires) (08/05/1991)

- « Antenne Réunion estime toucher un tiers des foyers de l'île » (25/05/1991)

- « Télé Free DOM à la portion congrue Le CSA face aux problèmes politico-télévisuels des DOM », Dijoux Alix (30/07/1992)

- « Télé Free-Dom et Antenne-Réunion sur la même fréquence Guerre des ondes à La Réunion », Dijoux Alix (22/01/1994)

- DOSSIER « Du sous-développement à la surmédiatisation A la Réunion la télévision capte tous les suffrages », Dutheil Florence (09/05/1994)

- « RFO est au bord de la grève » Cauhape Véronique (19/01/1996)

- « A la Réunion, la concurrence impose d'évoluer », Schulz Hervé (12/09/2003)

               

Le Journal de l’Ile de La Réunion

                                                

- « François Gicquel sonne le tocsin », Florent Corée (02/12/1993)

- « RFO : quatre mois de sursis », André Berthon (05/12/1993)

- « Dominique Perben favorable au ratachement de RFO à la présidence commune », Florent Corée (09/12/1993)

- « Antenne Réunion sort sa nouvelle grille », Gérald Camier (13/08/1994)

- « Antenne Réunion : L’audience solennelle », Pascale Bertrand (26/09/1994)

- « Les hoquets de la concurrence » (27/09/1994)

- « Le Front des ondes réunionnaises manifeste contre RFO », P.B. (02/01/1996)

- « Réactions en chaîne », P.B. (03/01/1996)

- « Le marché des dupes », P.B. (04/01/1996)

- « Débats médiatiques en stéréo », P.B. (05/01/1996)

- « Les privés règlent eurs comptes », P.B. (09/01/1996)

- « Le FOR rencontre à Paris le ministre de l’outre-mer et le CSA » (10/01/1996)

- « Le FOR reste sur sa faim » (11/01/1996)

- « Victoire du FOR sur toute la ligne », Antoine Mermet (12/01/1996)

- « A qui profitera la pub ? », Yves Mont-Rouge, Lilian Reilhac (13/01/1996)

- « Menaces sur le pluralisme audiovisuel ? », Leclaire Philippe (14/02/1998)

- « Antenne Réunion à redresser », Lambert Xavier (19/02/1998)

- « Le paradoxe du boxeur », Lambert Xavier (20/02/1998)

- « Six mois de sursis pour Antenne Réunion », Lambert Xavier (26/02/1998)

- « Tous sur Antenne Réunion ! » (28/03/1998)            

- « Attention : 20 chaînes peuvent en cacher d'autres » (28/03/1998)

- « Une soirée en faveur d'Antenne Réunion » (30/05/1998)

- « Un «cadeau Sempa» à Antenne Réunion » (31/07/1998)

- « Antenne Réunion en sursis jusqu'en 1999 », Lambert Xavier (06/08/1998)

- « Antenne Réunion : sous-traiter pour survivre », Lambert Xavier (09/12/1998)

- « Restructuration à Antenne Réunion », Lambert Xavier (10/12/1998)        

- « Paraboles : la voie d'Antenne Réunion », Leclaire Philippe (21/05/1999)

- « Antenne Réunion reste les pieds sur terre », Lambert Xavier (22/05/1999)

- « Du rififi dans le monde cathodique ! », Courrier des lecteurs, Maunier D. (27/05/1999)

- « Antenne Réunion revient sur le ring », Lambert Xavier (17/06/1999)

- « Parabole en clair sur Antenne », Lambert Xavier (04/09/1999)          

- « Antenne Réunion repart pour 10 ans », Lambert Xavier (09/10/1999)

- « Le renouveau d'Antenne Réunion », Gouvernnec Rozenn (05/09/2000)

- « Une chaîne généraliste dans le bouquet » (08/09/2000)

- « Médias - Antenne Réunion : 10 ans déjà » (09/03/2001)

- « Antenne Réunion sur Parabole : Une question de survie » (11/07/2001)

- « Antenne Réunion veut son bouquet numérique » (19/08/2001)   

- « Le journal d ' Antenne Réunion à 19 h 20 à partir de demain » (26/01/2003)

- « Partenariat entre Antenne Réunion, RTA et London Satellite System » (29/04/2003)

- « Kaméra Kafé bientôt sur Antenne Réunion », Dusigne Marie (25/08/2003)

- « Comment Antenne Réunion s’impose dans les foyers », Corée Florent, Philippe Roussel (13/10/2003)

- « Chateauvieux vend Antenne Réunion », Corée Florent (28/02/2004)

- « Le JT d’Antenne Réunion à 19 h 15 dès lundi prochain » (06/05/2004)

- « Rien ne va plus à RFO », Beauquier Guilhem (08/05/2004)          

- « Télévision numérique terrestre : Sans doute à la Réunion mais pas tout de suite » (11/06/2004)

- « La chaîne privée affine sa stratégie » (03/09/2004)

- « Antenne avance son JT à 19 h », Corée Florent (03/09/2004)

- « La télé réalité envahit le petit écran » (23/09/2004)

- « Antenne accélère son développement commercial » (15/10/2004)

- « De nouvelles chaînes pour CanalSatellite Réunion » (19/11/2004)

- « La télé réunionnaise a quarante ans »,  Dossier du Journal de l’Ile de La Réunion du 28 novembre 2004

- « La guerre des JT », B. Wright (15/02/2005)

- « A chacun ses munitions » (15/02/2005)

- « Commandos de choc contre bataillons de l’info » (15/02/2005)

- « Antenne Réunion dope ses recettes et muscle ses équipes », Corée Florent (06/06/2005)

- « Les télés en guerre pour une île déserte », Amilhau Amélie (26/07/2005)

- « La ménagère de moins de cinquante ans se bouge » (03/08/2005)

- « Le JT de RFO avancé à 19h » (03/09/2005)

 

Le Quotidien

 

- «  Le PDG de RFO, François Gicquel, et l’amendement Péricard », Issa I., (02/12/1993)

- « Le directeur d’Antenne Réunion écrit aux députés », Paquier Jacques (03/12/1993)

- « Le deuxième canal de RFO interdit de pub » (01/05/1994)

- « Enquête Médiamétrie sur la presse, la radio et la télévision », Issa I., (26/05/1994)

- « Antenne Réunion passe au plein exercice » (13/08/1994)

- Courrier des lecteurs (23/08/1994)

 

Le Progrès

 

- « La télévision » (07/02/1965)

 

 

6. Sites Internet

                

www.antennereunion.fr

www.insee.fr

www.ipsos.fr      

 

7. Sources orales

 

- Entretiens réguliers avec M. François Perraut, Journaliste Reporter d’Images à Antenne Réunion

- Entretien avec M. Rémy Tsang Hin Sun, Responsable des programmes et de la production à RFO, Juillet 2005

- Entretien avec M. Gérard Hoareau, Directeur d’antenne à RFO, Juillet 2005

- Entretien avec M. Guy Jarnac, vice-président au Conseil régional et délégué aux technologies de l’information et de la communication et à l’audiovisuel, Juillet 2005

 

8. Les centres de documentation consultés

                               

Bibliothèque de l’Institut Français de Presse, BNF, Inathèque, Bibliothèque de l’Université de La Réunion, Archives Départementales de La Réunion

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Voir annexe I, p. 95

[2] Combeau Yvan, Maestri Edmond (dir.), Histoire de La Réunion : de la colonie à la région, Nathan, Paris, 2002, p.113

[3] Simonin Jacky, « Pour une anthropologie de La Réunion » p. 84, in La France et les Outre-Mers – L’enjeu multiculturel, Hermès n°32-33, Ed. du CNRS (2002), 2002, p.84

[4] Combeau Yvan, Maestri Edmond (dir.), Histoire de La Réunion : de la colonie à la région, op.cit., p. 120

[5] Idelson Bernard, De la RTF à RFO, la télévision réunionnaise à travers un récit de vie d’un acteur pionnier : Jean Vincent-Dolor, Mémoire de DEA, Langage et Parole, Université de La Réunion – Université de Provence, 1995, p. 6        

[6] Idelson Bernard, De la RTF à RFO, la télévision réunionnaise à travers un récit de vie d’un acteur pionnier : Jean Vincent-Dolor, op.cit.,p.7

[7] Simonin Jacky, « Les médias réunionnais, faits de structure et discours d’acteurs », in Médias et communication dans un espace régional, Etudes de communication n°17, Université Charles de Gaulle-Lille 3, Lille, 1995, p. 16-17

[8] « C’est la radio qui l’a dit »

[9] Jean Vincent-Dolor, cité par Bernard Idelson in De la RTF à RFO, la télévision réunionnaise à travers un récit de vie d’un acteur pionnier : Jean Vincent-Dolor, op. cit., p. 66

[10] Idelson Bernard,  ibid., p. 46

[11] Simonin Jacky, « Pour une anthropologie de La Réunion », op.cit. , p. 84

[12] Voir annexe II, p. 96

[13] Cité par Gauvin Gilles, Michel Debré et l’île de La Réunion (1959-1967), L’Harmattan, Paris, 1996, p. 159

 

[14] Le Journal de l’Ile du 23 décembre 1964, cité dans « La télé réunionnaise a quarante ans », Dossier du Journal de l’Ile du 28 novembre 2004

[15] Témoignages du 14 décembre 1964, La genèse de la télévision à l’île de La Réunion de 1963 à 1965, Maîtrise d’Histoire, sous la direction de M. Yvan Combeau – Mari, Université de La Réunion, Juillet 1999, p. 63

[16] Idelson Bernard, De la RTF à RFO, la télévision réunionnaise à travers un récit de vie d’un acteur pionnier : Jean Vincent-Dolor, op.cit, p. 5

[17] Combeau Yvan, « La Réunion et la décentralisation (1963-1983-2003) in La décentralisation : Histoire, bilans, évolutions, L'Harmattan Saint-Denis : Université de La Réunion, 2003, p.107

[18] Chane-Kune Sonia, La Réunion n’est plus une île, L’Harmattan, Paris Montréal, 1996, p. 177

[19] Idelson Bernard, De la RTF à RFO, la télévision réunionnaise à travers un récit de vie d’un acteur pionnier : Jean Vincent-Dolor, op. cit., p. 9

[20] Rapport sur le paysage audiovisuel à La Réunion, Conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement, Saint-Denis, 1998, p. 7

[21] Idelson Bernard, De la RTF à RFO, la télévision réunionnaise à travers un récit de vie d’un acteur pionnier : Jean Vincent-Dolor, op. cit., p. 64     

[22] Voir annexe III, p. 97

[23] Idelson Bernard, De la RTF à RFO, la télévision réunionnaise à travers un récit de vie d’un acteur pionnier : Jean Vincent-Dolor, op. cit., p. 54                    

[24] En 1999, RFO devient « Réseau France Outre-mer et les canaux changent de nom : à La Réunion, le premier canal s’appelle désormais Télé Réunion et le deuxième canal, Tempo. Cependant, les Réunionnais n’ont pas adopté le nouveau nom du premier canal et continue à désigner la chaîne par le sigle RFO. Pour cette raison et par souci de lisibilité, nous ferons de même.

[25] Cazanove Katia, La télévision à La Réunion : l'évolution de la télévision à La Réunion : un espace public émergent, Maîtrise d’Information et Communication, Université de La Réunion, Octobre 1994, p. 27

[26] Croix du Sud, Dieu et patrie du 18 juin 1972, cité par Cazanove Katia, ibid., p. 28

[27] Idelson Bernard, De la RTF à RFO, la télévision réunionnaise à travers un récit de vie d’un acteur pionnier : Jean Vincent-Dolor, op. cit., p. 81

[28] Idelson Bernard, De la RTF à RFO, la télévision réunionnaise à travers un récit de vie d’un acteur pionnier : Jean Vincent-Dolor, op. cit., p. 83

[29] Idelson Bernard, ibid., p. 65

                                                                                      

 

[30] « Les médias à La Réunion et à Madagascar », Bernard Idelson, in Communautés périphériques et espaces publics émergents : les médias dans les îles de l’océan Indien, sous la direction de Simonin Jacky, L’Harmattan, Paris, 2002, p. 23

                                                                                                                                                                              

[31] Les créoles appellent « zoreils »  les Français venus de Métropole. 

[32] Idelson Bernard, « Le Quotidien de La Réunion, une création au bon moment », in Médias, 30 ans de remue-ménage, Akoz Espace Public n°15, 2002, p. 17

[33] Idelson Bernard, ibid., p. 17

[34] Martinez Paul François, Géopolitique de La Réunion. Tome 2 : 1991, éruption sociale, 1992, raz de marée politique...et répercussions..., Océan Editions, Saint- André de La Réunion, 2002, p. 17

[35] Idelson Bernard, « Le Quotidien de La Réunion, une création au bon moment », op. cit., p. 17

[36] Martinez Paul François, Géopolitique de La Réunion, op. cit., p. 19

[37] Le Quotidien du 13 juillet 1984, cité par Pontus Arnaud, Le phénomène Free Dom à l’île de La Réunion, S. Sudre, Rochemaure, 1995, p. 52

[38] Pontus Arnaud, Le phénomène Free Dom à l’île de La Réunion, op.cit., p. 51

[39] Martinez Paul François, Géopolitique de La Réunion, op. cit., p. 22

[40] Martinez Paul François, ibid.,  p. 21

[41] Moquons-nous

[42] Pontus Arnaud, Le phénomène Free Dom à l’île de La Réunion, op.cit., p. 51

[43] Martinez Paul François, Géopolitique de La Réunion, op. cit., p. 22     

 

[44] Pontus Arnaud, Le phénomène Free Dom à l’île de La Réunion, op.cit., p. 52

[45] Pontus Arnaud, ibid., p. 70-71

 

[46] Martinez Paul François, Géopolitique de La Réunion, op. cit., p. 22

[47] Camille Sudre dans Le Quotidien du 14 mars 1986, cité par Pontus Arnaud, Le phénomène Free Dom à l’île de La Réunion, op.cit., p. 71

                         

 

[48] Le Monde du 31/07/1987

[49] Le Monde du 31/07/1987

[50] Jean-Louis Rabou, rédacteur en chef du Quotidien, le 19 mars 1988, cité par Pontus Arnaud, Le phénomène Free Dom à l’île de La Réunion, op.cit., p. 77

                                                                                                                      

[51] Pontus Arnaud, Le phénomène Free Dom à l’île de La Réunion, op.cit., p. 72

 

[52] Chane-Kune Sonia, La Réunion n’est plus une île, op. cit., p. 178

[53] Le Monde du 31/07/1987        

[54] Le Monde du 12/02/1988

[55] Le Monde du 31/03/1987                                   

[56] Le Monde du 31/03/1987

[57] Le Monde du 12/02/1988

[58] François Mitterrand, dans Le Quotidien du 10 février 1988, cité par Pontus Arnaud, Le phénomène Free Dom à l’île de La Réunion, op. cit., p. 80

[59] Watin Michel, « Le paysage médiatique réunionnais entre 1976 et 1986. Le grand chambardement », in Médias, 30 ans de remue-ménage, Akoz Espace Public n°15, 2002

 

[60] Martinez Paul François, Géopolitique de La Réunion, op. cit., p. 25        

[61] Tout au long de cette partie, nous nous appuierons essentiellement sur les éléments et la chronologie présentés par Jean-Eric Bègue dans son mémoire et par Paul-François Martinez dans Géopolitique de La Réunion.

[62] Martinez Paul François, Géopolitique de La Réunion, op. cit., p. 23-24

[63] Bègue Jean-Eric, Genèse d'une télévision privée dans un contexte d'ouverture du paysage audiovisuel réunionnais : la création d'Antenne Réunion Télévision, op. cit., p. 11

[64] Le Quotidien du vendredi 19 juin, cité par Bègue Jean-Eric, ibid. p.11

[65] Idelson Bernard, « L’audiovisuel réunionnais depuis la décentralisation » in La décentralisation : Histoire, bilans, évolutions, L'Harmattan Saint-Denis : Université de La Réunion, 2003, p. 26

[66] Bègue Jean-Eric, Genèse d'une télévision privée dans un contexte d'ouverture du paysage audiovisuel réunionnais : la création d'Antenne Réunion Télévision, op. cit., p. 13

[67] Bègue Jean-Eric, ibid. p. 13

 

[68] Camille Sudre dans Le Quotidien du 03 mars 1990, cité par Pontus Arnaud, Le phénomène Free Dom à l’île de La Réunion, op. cit., p. 115

[69] Martinez Paul François, Géopolitique de La Réunion,  op. cit., p. 27

 

[70] Martinez Paul François, Géopolitique de La Réunion,  op. cit., p. 30

 

 

[71] Martinez Paul François, Géopolitique de La Réunion,  op. cit., p.105

 

 

[72] Martinez Paul François, Géopolitique de La Réunion,  op. cit., p. 115

[73] Le Monde du 27/02/1991

[74] Martinez Paul François, Géopolitique de La Réunion,  op. cit., p. 117

               

[75] Le Monde du 02 mars 1991

[76] Le Monde du 27 février 1991

[77] Le Monde du 27 février 1991

[78] Le Monde du 28 mars 1991

[79] Le Monde du 27 mars 1991

[80] Le Monde du 27 mars 1991

[81] Le Monde du 27 mars 1991

[82] Le Monde du 20 avril 1991

                                                         

[83] Le Monde du 28 mars 1991

[84] Le Monde du 08 mai 1991

[85] Le Monde du 11 avril 1991

 

[86] Le Quotidien du 14/03/1991

[87] Simonin Jacky, « Pour une anthropologie de La Réunion » op. cit., p. 84

 

[88] Bègue Jean-Eric, Genèse d'une télévision privée dans un contexte d'ouverture du paysage audiovisuel réunionnais : la création d'Antenne Réunion Télévision,op.cit., p. 67

[89] Jacques de Chateauvieux, cité par Bègue Jean-Eric, Genèse d'une télévision privée dans un contexte d'ouverture du paysage audiovisuel réunionnais : la création d'Antenne Réunion Télévision,op.cit., p. 65

[90] Editorial de Jean- Louis Rabou, rédacteur en chef, Le Quotidien du 3 mars 1990

[91] Idelson Bernard, De la RTF à RFO, la télévision réunionnaise à travers un récit de vie d’un acteur pionnier : Jean Vincent-Dolor, op.cit., p. 91

[92] Après l’élection de François Mitterrand et la création de RFO, le journaliste symbolise des pratiques de l’audiovisuel de l’ancien « régime ». Il est donc placé à la tête de la première régie publicitaire réunionnaise, Inter Océans.

[93] Idelson Bernard, De la RTF à RFO, la télévision réunionnaise à travers un récit de vie d’un acteur pionnier : Jean Vincent-Dolor, op.cit., p. 90

[94] Voir annexe V, p. 99

[95] « La télé réunionnaise a quarante ans »,  Dossier du Journal de l’Ile de La Réunion du 28 novembre 2004

[96] « La télé réunionnaise a quarante ans »,  ibid.

[97] « La télé réunionnaise a quarante ans »,  ibid.

[98] Lettre du CSA du 01 Juillet 1991, n°22

[99] « La télé réunionnaise a quarante ans »,  op.cit.

[100] Le Quotidien du 16 février 1991, cité par Bègue Jean-Eric, Genèse d'une télévision privée dans un contexte d'ouverture du paysage audiovisuel réunionnais : la création d'Antenne Réunion Télévision,op.cit., p. 74

[101] Jacques de Chateauvieux dans le Journal de l’île du 10 mars 1990

[102] Bègue Jean-Eric, Genèse d'une télévision privée dans un contexte d'ouverture du paysage audiovisuel réunionnais : la création d'Antenne Réunion Télévision, op.cit., p. 76

[103] Le Quotidien du 06/03/1991

[104] Cazanove Katia, La télévision à La Réunion : l'évolution de la télévision à La Réunion : un espace public émergent, op. cit., p. 48

[105] « La télé réunionnaise a quarante ans »,  op.cit.

[106] Bègue Jean-Eric, Genèse d'une télévision privée dans un contexte d'ouverture du paysage audiovisuel réunionnais : la création d'Antenne Réunion Télévision, op. cit., p. 22

[107] Lettre du CSA du 01 Juillet 1991, n°22

[108] « La télé réunionnaise a quarante ans »,  op.cit.

[109] Entretien avec M. Rémy Tsang Hin Sun du 26 juillet 2005

[110] Cité par Guillemin Martine, RFO – D’hier à demain-, sous la direction de M. Tristan Mattelard, Université Paris 2, IFP, Février 1997

[111] Entretien avec M. Rémy Tsang Hin Sun du 26 juillet 2005

[112] Bilan 1991 de RFO, Communiqué n° 212 du 27 novembre 1992

[113] Entretien avec M. Rémy Tsang Hin Sun du 26 juillet 2005

[114] Entretien avec M. Rémy Tsang Hin Sun du 26 juillet 2005

[115] Entretien avec M. Rémy Tsang Hin Sun du 26 juillet 2005

[116] M. Jacques Boutet, dans un entretien accordé au Monde du 20 avril 1991

 

[117] Selon une étude commandée par Antenne Réunion à la société France Marketing en 1991, cité dans l’historique de la chaîne sur le site www.antennereunion.fr

[118] Cité par Bègue Jean-Eric, Genèse d'une télévision privée dans un contexte d'ouverture du paysage audiovisuel réunionnais : la création d'Antenne Réunion Télévision, op. cit., p. 54

[119] Bègue Jean-Eric, ibid., p. 54

[120] Voir annexe V, p. 99

[121] Le Quotidien du 13/08/1994

[122] Le Quotidien du 13/08/1994

[123] Le Quotidien du 13/08/1994

[124] Le Journal de l’Ile du 13/08/1994

[125] Le Quotidien du 13/08/1994

[126] Le Quotidien du 02/12/1993

[127] Le Journal de l’Ile du 02/12/1993

[128] Le Quotidien du 02/12/1993  

[129] Le Quotidien du 03/12/1993

[130] Le Quotidien du 02/12/1993

[131] Le Quotidien du 02/12/1993

[132] Le Quotidien du 03/12/1993

[133] Le Monde,  DOSSIER « Du sous-développement à la surmédiatisation A la Réunion la télévision capte tous les suffrages », Dutheil Florence (09/05/1994)

[134] Le Quotidien du13/08/1994

[135] Le Quotidien du 13/08/1994

                                         

[136] Le Monde,  DOSSIER « Du sous-développement à la surmédiatisation A la Réunion la télévision capte tous les suffrages », Dutheil Florence (09/05/1994)

[137] Le Quotidien du 13/08/1994

[138] Le Quotidien du 13/08/1994

[139] Le Journal de l’Ile, interview de Bruno de Chateauvieux par Pascale Bertrand (26/09/1994)

 

[140] Le Journal de l’Ile du 27/09/1994

[141] Le Journal de l’Ile du 02/01/1996          

[142] Le Journal de l’Ile du 02/01/1996

[143] Le Journal de l’Ile du 02/01/1996

[144] Le Journal de l’Ile  du 09/01/1996

[145] Le Journal de l’Ile du 04/01/1996

[146] Le Journal de l’Ile du 04/01/1996

[147] Le Journal de l’Ile du 04/01/1996

[148] Le Journal de l’Ile du 05/01/1996

[149] Le Journal de l’Ile du 05/01/1996

[150] Le Journal de l’Ile du 09/01/1996

 

[151] Entretien avec M. Guy Jarnac, vice-président au Conseil régional et délégué aux technologies de l’information et de la communication et à l’audiovisuel (Juillet 2005)

[152] Le Journal de l’Ile du 12/01/1996

[153] Le Journal de l’Ile du 12/01/1996

[154]Le Journal de l’Ile, Communiqué du Conseil régional (12/01/1996)

[155] Le Journal de l’Ile du 14/02/1998

[156] Journal de l’Ile  du 19/02/1998

[157] Journal de l’Ile  du 20/02/1998

[158] Journal de l’Ile  du 14/02/1998

[159] Journal de l’Ile  du 26/02/1998

[160] Journal de l’Ile  du 26/02/1998

[161] Journal de l’Ile  du 26/02/1998

[162] Journal de l’Ile  28/03/1998

[163] Journal de l’Ile  28/03/1998

[164] Journal de l’Ile  28/03/1998

[165] Journal de l’Ile  14/02/1998

 

[166] Voir annexe IV, p. 98

[167] Rapport sur le paysage audiovisuel à La Réunion, Conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement, Saint-Denis, 2002, p.19

 

[168] Journal de l’Ile  du 11/07/2001

[169] Thierry Michaud in le Journal de l’Ile  du 11/07/2001

[170] Journal de l’Ile  du 11/07/2001

[171] Audition publique du 17 octobre 2001 pour la reconduction de l’autorisation de la société privée Antenne Réunion

[172] Journal de l’Ile  du 13/10/2003

[173] Il y a trois heures de décalage horaire entre La Réunion et la métropole en heure d’hiver et deux heures en heure d’été.

[174] Voir annexe IX, p. 103

[175] Journal de l’Ile   du 13/10/2003

[176] Journal de l’Ile   du 26/01/2003

[177] Animateur vedette de la chaîne, élu personnalité la plus séduisante en 2005 par les lecteurs du Journal de l’Ile!

[178] Journal de l’Ile  du 29/03/2004                                                                                                       

[179] Journal de l’Ile  du 06/05/2004

[180] Journal de l’Ile  du 06/05/2004

[181] Journal de l’Ile  du 22/07/2004

[182] Journal de l’Ile  du 30/09/2004

[183] Journal de l’Ile  du 30/09/2004

[184] Journal de l’Ile  du 30/09/2004

[185] Journal de l’Ile  du 13/10/2003

[186] Journal de l’Ile  du 13/10/2003

[187] Entretien avec M. Gérard Hoareau, directeur d’antenne à RFO, Juillet 2005

[188] Journal de l’Ile  du 26/07/2005

[189] Rapport sur le paysage audiovisuel à La Réunion (1998), Conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement, op.cit., p. 13

[190] Rapport sur le paysage audiovisuel à La Réunion (1998), ibid., p. 24

                                                                                                                        

[191] Voir annexe VII, p. 101

[192] Simonin Jacky, « Pour une anthropologie politique à La Réunion », op.cit., p.86

[193] http://www.ipsos.fr/CanalIpsos/articles/images/1385/Couleurs_Outre_mer_2.pdf

(Les Domiens et les TIC, enquête Ipsos en date du 23/07/2004)

 

[194] http://www.ipsos.fr/CanalIpsos/articles/images/1385/Couleurs_Outre_mer_2.pdf

[195] http://www.ipsos.fr/CanalIpsos/articles/images/1385/Couleurs_Outre_mer_2.pdf

[196] Voir annexe 6, p. 100

[197] Hoarau Cédric, Analyse du positionnement d’une chaîne télévisée, Maîtrise de Sciences de Gestion, Université de La Réunion, 2002 - 2003 p. 26

[198] Journal de l’Ile  du 26/01/2003

[199] Journal de l’Ile  du 09/10/1999

[200] Journal de l’Ile  du 09/10/1999

[201] Premier directeur de la chaîne à ses débuts en 1991

[202] Journal de l’Ile  du 03/09/2004           

[203] Journal de l’Ile  du 15/10/2004           

[204] Journal de l’Ile  du 06/06/2005           

[205] Journal de l’Ile  du 06/06/2005               

[206] Voir annexe VIII, p. 102